- GEORGES LAUTNER (1963)
MELODIE EN SOUS-SOL - HENRI VERNEUIL (1963)
Dans un train de banlieue, sur le chemin du turbin
JEAN GABIN : (Sortant de taule et mordant les racontards des rats, Charles songe...)Les vacances à croume... C'est nouveau, ça !... Le Tour du Monde àla p'tite semaine et pis au retour, tout l'monde se file au régime “ jockey”... Ouais... Éh ben, la liberté à soixante-dix mille francspar mois, c'est pas ma pointure...
De retour dans le pavillon de Sarcelles
VIVIANE ROMANCE : Qu'est-ce que tu croyais ? Que ch'passais mes soirées dehors?... À “ Mimi Pinson ”, peut-être ?...
JEAN GABIN : Oh-la-la !... Quand y m'arrivait d'penser aux guinches, c'étaitpour me demander s'il en existait encore...
VIVIANE ROMANCE : Le guinche, ça existera toujours... C'est les vrais gambilleurs,qui ont disparu !...
Dans le salon
JEAN GABIN : Oh... Au début, j'dis pas qu'j'ai pas cafardé... Ben,pis après, j'me suis dit qu't'avais p't-êt' raison parce que, dans l'fond,tu vois, les femmes devraient pas venir au parloir... Ça fait gamberger, pisça donne des idées à la con !... Des mauvaises pensées,comme disait l'aumônier...
VIVIANE ROMANCE : Ha ! Parce que tu fréquentais l'ratichon ?
JEAN GABIN : Ben, là-bas, tout l'monde a sa p'tite crise de pureté...Les demi-sels comme les gros bras... Les gros bras d'abord, forcément...
Au paddock
VIVIANE ROMANCE : Avec vingt-quatre millions, on peut acheter une p'tite affaire...Le genre hôtel-restaurant... Tu sais, maintenant, avec le tourisme...
JEAN GABIN : Ouiii. On fait son persil en trois mois, pis l'reste du temps, c'estles vacances... Ben, méfie-toi des mirages, Ginette ! Tu peux pas savoir lenombre de pommes qui s'est fait repassé au coup du p'tit commerce !...
Insomnie dans le salon
JEAN GABIN : Ah, parce que le p'tit hôtel-restaurant, t'appelle ça l'indépendance,toi !... Alors, j'vais t'dire quelque chose... J'me suis pas tapé cinq pigesde placard pour venir piquer thune par thune l'oseille des Congés Payés!... Aussi, oh, pendant qu'tu y es, ch'pourrais m'mettre aussi aux fourneaux... Lep'tit bagne en toque blanche !
VIVIANE ROMANCE : Ho... Tu sais... Le bagne dans l'Midi... T'exagères un peu...
JEAN GABIN : Ouais, ben, c'Midi-là, c'est sept heures-minuit, alors, ch'uispas bon !... Parce que tu crois tout d'même pas qu'avec tes vingt-quatre briques,tu vas t'payer l'Négresco, non !
VIVIANE ROMANCE : Avais pas vu ça comme ça...
JEAN GABIN : Alors, écoute-moi bien... Pendant qu'tu pensais à tesp'tits commerces, moi, j'ai mis au point l'plus beau coup d'ma carrière...L'genre d'affaire que personne a jamais osé entreprendre...
VIVIANE ROMANCE : Charles, ch't'en prie, tu vas pas recommencer !
JEAN GABIN : Éh ben, dis-toi bien qu'ton Midi et ta gargotte, à côtéde c't'affaire-là, c'est des rêveries d'midinette !... Parce que moi,l'avenir... j'le vois du côté d'Canberra !... Bourrés d'pognonet inconnus... c't-à-dire honorables...
Aux bains-douches “ Les Fauvettes ”
HENRI VIRLOJEUX : (Refusant une clope tendue...) Oh, p'us jamais ! Ch'uis tricardde perlot... Et c'est pareil pour l'apéro... V'là à quoi ch'uisréduit...
JEAN GABIN : Ben qu'est-ce que t'as ?
HENRI VIRLOJEUX : Tout !... J'ai dix de tension, un million d'globules rouges quis'sont fait la malle... Et les éponges voilées qui demandent qu'àm'faire un vanne !
Irruption de Madame Léone dans le burlingue de Mario
DOMINIQUE DAVRAY : Qu'est-ce que vous maquillez, tous les deux ?!...
HENRI VIRLOJEUX : Charles me montrait les plans d'la nouvelle cabane qu'y vient d'sefaire construire à côté d'Cannes...
JEAN GABIN : On causait bâtiment, Madame...
DOMINIQUE DAVRAY : Ben, faut pas !... L'professeur l'a recommandé !... Fautplus qu'y cause, Mario !... De rien !... (Elle décarre en frappant la lourde...)
JEAN GABIN : Tu lui claques pas l'beignet ?
Toujours dans l'estanco du débris
HENRI VIRLOJEUX : Ch'crois aussi qu'tu vas être obligé d'pousser sansmoi...
JEAN GABIN : Qu'est-ce que ça veut dire ?
HENRI VIRLOJEUX : Ben, ça veut dire que j'déclare forfait...
JEAN GABIN : Non, mais, t'es pas dingue !... L'pognon est là, y'a p'us qu'àl'engourdir !...
HENRI VIRLOJEUX : Ha, je sais, je sais... Seulement, moi, ch'peux pas m'permettrede replonger... L'toubib est formel. Si je retourne au ballon, c'est la condamnationà mort !... Même le Président d'la République, y pourraitrien pour moi... Dis donc, Charles... Tu les as vus, les cimetières des Centrales?... Celui d'Poissy ? Celui d'Fontevrault ?... Y'en a du monde, là-dedans...Pis c'est pas jouissif... Tu ferais p't-êt' bien d'y penser, toi aussi...
JEAN GABIN : Bon, ben, dis donc... Reste à jouer les garçons d'bainssi ça t'amuse, mais moi, ch'plonge !... Parce que laisser traîner unpareil paquet d'oseille, c'est pas moral !...
HENRI VIRLOJEUX : Hé !... J'ai p'us les jambes, moi !...
Dans le gourbi du voyou
ALAIN DELON : Ben, on cause... T'es venue pour ça, non ?... C'est ton truc,à toi, causer... Hier, c'tait l'tabac... Intéressant... “ Francis !!!Tu fumes trop ! L'tabac, ça donne le cancer ! Tu finiras comme ton cousinAlphonse ! ”... Cousin Alphonse qu'est mort flingué à la Libération!... Hein !
GERMAINE MONTERO : N'empêche qu'il avait l'cancer du fumeur !... Et tu l'aurasaussi !
ALAIN DELON : Tu m'as répété cent fois que j'mourrai sur l'échafaud! Alors, faudrait savoir c'que tu veux !... Le microbe ou l'couperet ?!...
GERMAINE MONTERO : Dis donc, Francis ! Ça suffit, hein !... Ch'uis venue pourte parler sérieusement... Alors ?... Ta pension ?
ALAIN DELON : Ah, ben, c'est vrai, ça !... Alors, où on en est ?
GERMAINE MONTERO : À cinq mois d'retard !
ALAIN DELON : Tt-tt-tt...
GERMAINE MONTERO : Ton père trouve un peu curieux qu'à vingt-sept ans,tu sois encore à charge ! Pas toi ?
ALAIN DELON : Ah, ben, c'est à vous d'décider ! Vous êtes lestauliers !... Comment voulez-vous qu'j'vous paye ?... Au mois ?... À la semaine?... En nature ou en affection ?...
GERMAINE MONTERO : C'qui nous ferait plaisir, ce serait qu'tu travailles ! Que tumènes la vie normale d'un garçon d'ton âge !...
ALAIN DELON : Parce que la vie des mecs de mon âge, vous connaissez ça,vous !... Enfin... Tiens !... Éh ben, j'étais justement en train d'ypenser avant qu't'arrives !... On m'propose un boulot !... Dans une station-service...Place Péreire... Le pompiste est un pote...
GERMAINE MONTERO : C'est pas l'premier qu'tu rencontres !
ALAIN DELON : Pourrais pas écraser un peu ?
GERMAINE MONTERO : La dernière fois qu't'as causé avec un pompiste,t'avais même un revolver à la main !... On est bien forçéd's'en rappeler !
ALAIN DELON : Deux ans d'gnouf ! Ch'uis à jour, non !... On va m'emmerderavec ça toute ma vie ?!... “ Erreur de jeunesse ”, ça s'appelle ! Justementpour qu'on n'en cause plus !
GERMAINE MONTERO : Un jour, c'est nous qu'tu tueras ! Ton père et moi ! Dechagrin !
ALAIN DELON : Ben, comme ça, on retrouvera pas l'arme du crime !
Dans l'atelier du beauf'
MAURICE BIRAUD : Ça va comme tu veux, toi ?
ALAIN DELON : Ben, moi, ça irait si y'avait pas ta belle-mère !...Mais y'a !!!... Et y'a même de plus en plus... Ah, elle devient infernale...Ah, ben, tu connais pas la dernière ? Celle qu'elle a encore inventée!... Que je garde ton mouflet pendant qu't'iras à Mogador !... Joli, non !
MAURICE BIRAUD : Aaah, j'dis pas non... Mais alors-là, j'veux la blouse etl'voile, hein !... Ah, une nurse, c'est une nurse !... Déjà qu't'espas anglaise !... Hé-hé... Voyons. Pour en revenir à... àMogador, tu sais, y'en a qu'ça possède, hein ! Moi, alors-là,ch'uis pas... pas tellement friand, hein... “ Rio, Rio, Riooôôô,capitale du rêêêveu ”... Non ! Moi, tu vois, j'vais t'dire, questionspectacle... Ch'rais plutôt porté... sur le nu, moi !... Mayol, euh...Les Folies... 'Fin, le visuel, quoi... Non. C'est pour te dire que... si tu peuxpas garder l'môme... éh ben, j'en pleurerais pas...
ALAIN DELON : Ah, ben, ça m'arrange... Dis donc, y'a què'qu'chose quim'arrangerait bien, aussi... Tu pourrais pas m'prêter cinq sacs ?... Quatre?...
MAURICE BIRAUD : Deux, hein ! Mais pas un d'plus !... Ah, tu peux pas savoir, monvieux... Ch'uis dans une dégoulinante infernale, hein... Tiens, mon tiersprovisionnel, les taxes, la patente... sans compter l'rappel des allocations familiales,pis alors, trois clients qui s'sont tirés en vacances en m'laissant leursfactures...
ALAIN DELON : Mais... te fais pas d'bile... Ch'pense pouvoir te rendre le total assezvite... J'ai l'intention d'chercher du boulot...
MAURICE BIRAUD : De chercher ou d'trouver ?...
ALAIN DELON : Ah, non, sans char... Sérieux...
MAURICE BIRAUD : Ooofff, note... C'est pas plus bête qu'autre chose, hein ?...Maaais, sans vouloir te décourager... Euh, le boulot, c'est un truc qu'y vautmieux commencer jeune... Quand tu démarres tout môme, c'est comme sit'étais né infirme... Euh, tu prends l'pli... T'y penses p'us... Remarque...T'as p't-êt' raison d'essayer, hein ! De toute façon, dans la vie, ben,faut tout connaître...
ALAIN DELON : Et puis, si on s'intoxique, on peut toujours s'arrêter...
À l'“ Olympic Billard Club ”, Rue de la Gaîté
ALAIN DELON : Tu crains pas d't'embarquer un peu léger, non ?... Un an d'celluleavec un mec, c'est pas forcément une assurance “ tous-risques ”... Tu peuxt'gourer sur moi... Et ch'uis pas sûr d'pouvoir tenir ma place...
JEAN GABIN : Ben, moi, j'en suis sûr... Un tocard aurait dit “ oui ” tout d'suite...Les tocards sont toujours d'accord avec n'importe qui et à n'importe quelblot !...
Dans le boxon de Louis Naudin
JEAN GABIN : Il est sur quel coup, en c'moment, le héros d'la famille ?...
MAURICE BIRAUD : Ch'crois qu'y cherche un boulot... Mais pendant qu'vous y êtes,ça serait p't-êt' plus pratique d'aller y demander à lui !...Vous avez lu l'enseigne, en entrant !... “ Atelier de mé-ca-ni-que ” !...Y'a pas écrit “ bureau d'renseignements ” !
JEAN GABIN : Éh, y'a pas écrit non plus “ fermé pour cause d'emballage” et pourtant, ça pourrait bien arriver... Complicité avec des malfaiteurs...C'est prévu par le Code, ça...
MAURICE BIRAUD : Complicité d'quoi ?...
JEAN GABIN : De quoi ?... Alors, écoute-moi bien... Premièrement, tonbeau-frère va récidiver et tu l'sais... Deuxièmement, y seraitfortement question qu'tu sois dans l'coup... Et troisièmement, on parle aussid'un certain Monsieur Charles, un familier d'la Maison... Et l'palmarès deton beau-frère à côté du sien, c't un brevet d'civisme!... Alors, comme j'ai l'respect d'la famille, j'te demande pas d'balancer ton beauf',tu m'parles de Monsieur Charles et j'oublie l'reste... Qu'est-ce que t'en dis ?...
MAURICE BIRAUD : Éh, j'vous dirais bien quelque chose... mais ch'crois qu'c'estpas non plus conseillé par le Code !... Vous, c'est la famille, moi, c'estl'Code !... Alors, chacun sa religion !... Mais personne n'a jamais étéen taule... pour avoir donné une bonne recette à un copain !... Alors,ch'peux vous en indiquer une au poil, moi, d'recette !...
JEAN GABIN : Sur la façon d'aller m'faire cuire un œuf...
MAURICE BIRAUD : C'est ça !
JEAN GABIN : Ben, voyons !... Alors, écoute.... Monsieur Charles, c'est moi...J'voulais savoir c'que t'avais dans l'ventre...
MAURICE BIRAUD : Ça recommence !... J'vous dis qu'j'ai jamais entendu parlerd'Charles, de Pierre, ni d'Paul !... Le seul Charles que ch'connaisse, y crêchePlace Beauveau !... Et y répond pas aux questions, y les pose !...
Briefing en voix-off
JEAN GABIN : Ah, non !... Ça, c'est ton boulot !... Que tu deviennes poteavec le chef-électricien ou qu'tu quimpes la danseuse-étoile, pourmoi, c'est du kif !... C'qui faut... mais alors-là, absolument !... c'estqu'tu puisses grimper dans les cintres quand l'moment sera venu... Tout !... reposelà-dessus...
Au bar de la pistoche du “ Palm Beach ”, à Cannes
ALAIN DELON : D'abord, un whisky et ensuite... savoir qui-est-qui... J'me méfietoujours des impairs... Vous n'trouvez pas qu'y vaut mieux connaître son monde?
JEAN CARMET : Du monde, Monsieur, nous en avons beaucoup... Ça va êtrelong !...
ALAIN DELON : Et bien, j'ai tout mon temps !
JEAN CARMET : Ah !... Pourrais p't-êt' commencer par les dames ?...
ALAIN DELON : Hum, j'ai rien contre !
JEAN CARMET : Pour une urgence... le maillot à carreaux... Polonaise et comtesse...
DORA DOLL : Émile, s'il vous plait ! Serrvez-moi un jus d'orrange au borrdde la piscine...
JEAN CARMET : Bien, Madame la Comtesse !... Tout ça entièrement bidon...Trente mille... À débattre de gré à gré... Dîneou n'dîne pas, à volonté... J'en ai entendu les plus grands élogespar des habitués difficiles...
ALAIN DELON : Ouais... Ensuite ?
JEAN CARMET : Ensuite, euh... euh... à droite... La blonde en maillot noir-là...Non, sans intérêt, ça... Ah ! Un peu plus sur la gauche, au milieudes trois filles...
ALAIN DELON : Oui ?
JEAN CARMET : Hum, Gentina... Une ancienne Miss de... ch'ais plus quoi... Selon lesavis, ensorceleuse... ou très vache !... Tout dépend de c'qu'on cherche,hein ?... Hé-hé...
ALAIN DELON : Et ça-là... La grande blonde sur la gauche, qui vientvers nous...
JEAN CARMET : Ah... Divorcée depuis trois ans des caoutchoucs du Cameroun...
ALAIN DELON : C'est très très très très bien...
JEAN CARMET : Hum... Vous devez malheureusement la considérer comme une concurrente!...
ALAIN DELON : Ah !
Dans la tire, devant le resto à loupiotte, au bord de la flotte
CARLA MARLIER : D'abord, il ne z'achit pas d'une coucherie... Enzuite, Olaf n'estpas z'un mec...
ALAIN DELON : C'p't-êt' pas un mec, mais moi, ch'uis pas un micheton ! Et situ veux vraiment savoir c'que ch'pense... !
CARLA MARLIER : Tais-toi !
ALAIN DELON : Ben, j'en ai drôlement marre de trimballer Mademoiselle la Bêcheuse! D'lui refiler du homard grillé, d'la reconduire à sa porte su'l'coupd'minuit !
CARLA MARLIER : Raccompagne-moi tout d'zuite !
ALAIN DELON : Ch'uis pas ton chauffeur !
CARLA MARLIER : Franzis, raccompagne-moi, che n'ai plus enfie d'entendre !
ALAIN DELON : Ben, t'as qu'à t'démerder ! Personne t'empêched'aller à pinces !... (La greluche descend en claquant la portière...)Quand vous l'aurez au bout du fil, n'oubliez d'transmettre mes respects àMonsieur Nilson !
CARLA MARLIER : Che n'y manquérait pas ! Grâze à lui et àtoi, che zais maintenant ze que z'est qu'un foyou !
ALAIN DELON : Ben, comme ça, tu sauras avec qui tu sors !... Et t'avises pasd'faire du stop parce que y'a qu'les voyous qui s'arrêtent !
CARLA MARLIER : Pour tomber zur un foyou comme toi, il faudrait fraiment quéche n'ai pas de chanze !
ALAIN DELON : Ben, confidence pour confidence, des morues d'ton espèce, jefile un coup d'pied dans un bec-de-gaz, il en dégringole cinquante !
Dans la piaule du “ Carlton ”
JEAN GABIN : Les valises, ça s'défait et ça s'refait !... D'ailleurs,tu vas pouvoir faire les tiennes, on rentre dans nos foyers... J'démobilise...Parce que moi, j'aime pas les équipiers-fantômes !...
ALAIN DELON : Et pourquoi “ fantôme ”, ch'uis là, non !
JEAN GABIN : Et à quelle heure t'es là !?!... Ch't'avais pas dit d'pasbouger d'ton hôtel et d'attendre mon coup d'fil à partir de onze heures!?!...
ALAIN DELON : Ben, si, mais quand j'ai trouvé ton message, y'étaitquatre plombes !
JEAN GABIN : Tu l'as trouvé à quatre plombes parce que t'es rentréà quatre plombes !... C'est ça qu'était pas prévu !...Quand tu m'as dit qu't'étais p't-êt' un tocard, ch't'ai pas cru, maisfinalement, ch'crois bien qu'c'est toi qu'a raison !... Faut jamais contrarier lesvocations... La tienne, c'est d'piquer les bicyclettes et d'baluchonner les chambresde bonnes !
Même turne, après la tempête
JEAN GABIN : Bon, alors, écoute-moi bien... À partir de maintenant,travaille au chrono... Parce que une minute d'écart veut pas dire forcémentsoixante secondes !... Ça peut s'transformer en années d'placard !Crois-moi, j'connais la question !...
Dans l'annexe du lardu
JEAN GABIN : Éh ben, qu'est-ce que tu fous ?
MAURICE BIRAUD : Ben... Voyez bien... Je retape mon lit...
JEAN GABIN : Pourquoi tu passes pas l'aspirateur, pendant qu't'y es ! Tu t'figuresqu'j'envoie vingt sacs par jour pour que tu fasses le ménage !
MAURICE BIRAUD : Hé... J'avais l'temps... J'm'occupais...
JEAN GABIN : Ouais, ben, l'temps, maintenant, c'est moi qu'en décide !...Justement, on était en train d'en parler... Alors... En c'qui concerne l'déroulementdes opérations, j'vous préviens, hein... Pas d'initiative personnelle...Parce que ça mène régulièrement à la ratière!...
Remise de la mitraillette planquée dans le secrétaire
JEAN GABIN : Mais attention, hein !... Pas d'zèle !... Y s'agit simplementd'leur foutre le trac !...
ALAIN DELON : Ben, oui, mais tout l'monde n'a pas forcément l'trac !... Mêmede ça !... Si jamais l'garde du corps fait du schproum ?...
JEAN GABIN : Dans une situation tendue, quand tu parles fermement avec un calibreen pogne, personne ne conteste !... Y'a des statistiques là-dessus...
Depuis la salle de bains de sa carrée
ALAIN DELON : Dites ! Pendant qu'vous êtes là, Mignonne ! Y doit y avoirtrois mouchoirs et une limace bleue su'l'tabouret ! J'aimerai bien qu'tout çasoit nickel pour demain soir, hein !... Pendant qu'vous serez en mouvement, prenezdonc mille balles à côté d'la photo d'ma fiancée !
Autour du pieu
ALAIN DELON : T'tracasse pas, j'ai pas la tête dure !... Toute façon,tout ça est très clair... Ton micheton est revenu, l'hiver approche...Y'a du vison et d'l'ocelot dans l'air... Les putes ont toujours adoré lesanimaux !... J't'assure qu'c'est pas dur à comprendre...
CARLA MARLIER : Elles z'aiment peut-être auzzi les zouvenirs... Tu fiens dégâcher le zeul que ch'afais !
ALAIN DELON : Le seul ?... Hum... Ben, tu vois... Ça prouve qu'on peut êtrepucelle en tout !... Moi, j'me demandais c'qui, chez toi, n'avait pas encore servi,ben, c'était la mémoire...
Au bar du Casino du “ Palm Beach ”
DORA DOLL : (S'adressant au barman...) Lucien... Ch'crois qu'je prends un coup d'vieux...J'reconnais plus un gentleman d'un hareng !...
100.000 DOLLARS AU SOLEIL - HENRI VERNEUIL (1963)
Dans le hangar de la Betterave
LINO VENTURA : T'as déjà conduit un bahut de c'genre-là ?
REGINALD KERNAN : Non.
LINO VENTURA : Ben, moi, c'que j'en dis, après tout, hein...
JEAN-PAUL BELMONDO : Fais pas attention... Monsieur Marek est d'un naturel jaloux...Son premier amour, c'était un camion... Son second amour, un camion... Actuellement,il en train de liquider une vieille liaison un peu ferraillante... Alors, en voyantcette jeunesse, Monsieur Marek s'est imaginé des choses, c'est humain...
LINO VENTURA : Dis ! Tu veux pas l'prendre un peu parce que moi, M'sieur Rocco...y m'use, hein... Si la Betterave me demande, ch'uis sous la douche.
BERNARD BLIER : Ben, d'toute façon, on s'voit c'soir, chez Zézé.
LINO VENTURA : Qu'est-ce tu veux qu'j'aille foutre chez Zézé ?
JEAN-PAUL BELMONDO : Flambant neuf !... L'espoir de notre maison ! Notre fiertéà tous !... Monsieur va certainement arroser ça avant qu'y pleuve...Monsieur a forcément des usages...
BERNARD BLIER : Et ici, on aime ça, les usages...
REGINALD KERNAN : Ça remplace le fric ?
JEAN-PAUL BELMONDO : Si l'crédit n'existait pas, y'a longtemps qu'l'Afriqueserait morte !
BERNARD BLIER : L'ardoise de Monsieur est, pour ainsi dire, avancée...
Chez Zézé
BERNARD BLIER : Ben, tu vois... T'es déjà coté en Bourse...
REGINALD KERNAN : Alors, qu'est-ce qu'on boit ?
BERNARD BLIER : Ah, on attend Marek !
JEAN-PAUL BELMONDO : À Blima, l'Plouc est toujours en retard... Une vie privée...Un chauffeur qui s'appelait Rodriguez s'est ratatiné, y'a deux ans, dans ladescente du Djebel Zouid... Rupture de freins, une chute de trois cents mètres...On n'a jamais pu dégagé c'qui restait d'Rodriguez... Maintenant, lui,dort là-bas, dans sa ferraille... Sa veuve, elle... elle dort avec le Plouc...Les inconsolables !... C'est une des spécialités du Plouc... Des veuves,j'en ai connu une bonne demi-douzaine !... À Montélimar, Palerme...Tout ça parce qu'il aime avoir des chemises propres et des pantalons bienrepassés... C'est pas un maquereau, non... C't un maniaque...
DOUDOU BABET : Monsieur Mitch Mitch ! Parle-lui des tatanes à Rodriguez !
BERNARD BLIER : Rodriguez, comme tous les Espagnols, étaient coquets d'sespieds... Son salaire y passait, il avait au moins vingt paires de pompes !... Ety chaussait du quarante-deux... Devine combien y chausse, le Plouc ?
REGINALD KERNAN : Du quarante-deux ?
BERNARD BLIER : Non. Du quarante-trois !
REGINALD KERNAN : Faut souffrir pour être élégant...
BERNARD BLIER : Ah, peut-être, mais moi, j'aimerais pas marcher dans les grolesd'un mort !... Tiens. Moi qui t'parle, j'ai eu un pote...
Au zinc
LINO VENTURA : Tu m'diras c'que tu voudras mais Steiner... c'est quand mêmepas du franchouillard garanti pur sucre !... Hein !... Tu serais pas né unp'tit peu du côté d'Berlin ?
En rade dans le Fesh-fesh
BERNARD BLIER : Mais ma parole !... C'est l'Champion d'la ligne ! Le cador du volant!... Pardon, Monsieur... Excusez ma curiosité... Vous seriez-t-y pas ensablé,des fois ?
LINO VENTURA : Tu veux savoir ?... Éh ben, t'es même pas drôle!
BERNARD BLIER : Allez, mon gars, en avant les pelles et les tôles !... Fautaider son prochain... Qu'est-ce que tu veux ? C'est les misères de l'âge,hein !... Faut faire semblant de s'apercevoir de rien... Ce pauvre Plouc, il a lavue qui baisse, alors il roule de plus en plus à côté de la piste...On l'récupère un peu partout... Des fois en Mozambique... Des foissur la Nationale Sept... Des fois, comme c'est le cas, dans le Fesh-fesh... Alorson l'ramène en remorque pour pas qu'y perde sa place... Ben, un vieux, fautbien qu'ça mange...
LINO VENTURA : T'as fini, oui, hein !
BERNARD BLIER : Oui. Oui, oui ! Allons-y !... Alors ch'propose vingt pelletéesà la minute, c'est une bonne cadence, non ?
LINO VENTURA : On peut faire mieux...
BERNARD BLIER : Disons vingt-cinq... Mais à condition qu'l'aïeul s'arrêtedès qu'son cœur lâche ! Allez, ho !... Ho !... Ho !...
Après l'effort
BERNARD BLIER : Dis donc ! Qu'est-ce qu'y vous avait fait, l'Sourdingue, pour qu'vousl'mettiez dans c't état-là ? Il avait pas l'air content... Y m'a ditaussi qu'cette petite vache de Rocco s'trimballait avec une fille... C'est vrai ?...P't-êt' qu'y l'aura ramassée en bordure de piste...
LINO VENTURA : J'en sais rien !
BERNARD BLIER : Tiens, ça m'rappelle ma Finlandaise... Tu la connais mon histoireavec la Finlandaise ?
LINO VENTURA : Oui.
BERNARD BLIER : Éh ben, toi qui la connais pas, tu vas t'poiler !... Figure-toiqu'un jour, sur la piste d'Inssaoud, euj'tombe sur un p'tit ingénieur despétroles avec sa Land Rover en rideau... Il avait sa bonne femme avec lui-là,une grande blonde avec des yeux qui avaient l'air de rêver, pis... un sourired'enfant... Une salope, quoi. Moi, j'repère ça tout d'suite parce queles femmes, c'est mon truc...
LINO VENTURA : C'est pas comme le pelletage, hein ?!
BERNARD BLIER : Alors, aussi sec, euj'propose au p'tit ingénieur “ Si vousvoulez, j'amène votre dame à Agdid et pis j'envoie la dépanneuse.”... Le branque dis “ oui ” et me v'là barré avec la poupée...C'est pas vrai, Saïd ?
LINO VENTURA : Si, c'est vrai ! Et c'est même vachement intéressant!... Tu vas bosser un peu, dis ! Hein !
BERNARD BLIER : Une seconde, ça l'intéresse !... Hein, qu'çat'intéresse ?... Alors, sitôt partis, j'me mets à conduire d'unemain... Et v'là qu'la môme se met à faire des minauderies...T'sais, façon pudeur... Des p'tites manières de bonne femmes, quoi...Sous prétexte que Saïd était en train d'prendre un jeton !...Et à c'moment-là, on arrive dans la zone des dunes... Alors j'dis àma Finlandaise “ Est-ce que vous avez déjà vu la Rose des Sables ?” “ Non. ”, qu'è'm'fait !... Alors j'arrête le bahut et j'dis “ Voyezla dune, là-bas... Éh ben, derrière, y'a les plus belles Rosesdes Sables de tout l'Niger... ” Éh ben, elle a voulu y'aller voir...
(L'histoire se continue dans le bahutde Rocco...)
JEAN-PAUL BELMONDO : Deux heures plus tard, Mitch Mitch et sa souris sont àIkboulfri, en train d'se remonter à coups d'perniflard !... Tout àcoup, le cocu débarque, va droit sur sa femme, sans dire un mot... mais luibalance une paire de mandales à tuer un buffle !
ANDREA PARISY : Quelqu'un l'avait prévenu ?
JEAN-PAUL BELMONDO : Le sable !... Mitch, qui parle toujours trop, avait dit “ Unefois dépanné, vous suivez mes traces jusqu'à Ikboulfri. ” L'p'titingénieur avait suivi les traces jusqu'au bout... Jusqu'aux dunes... Là,c'était plus des traces de pas, qu'y avait... Ç'tait aussi clair qu'sion y avait fait voir un plumard, au mec...
ANDREA PARISY : Ça s'est terminé comment ?
JEAN-PAUL BELMONDO : Après la tarte à sa bergère, le gars auraitbien continué à jouer les hommes... Mitch a bloqué la premièrepêche et lui a dit “ Tu viens d'briller... Gâche pas tes cartes... ”
ANDREA PARISY : Et son mari n'a rien dit ?
JEAN-PAUL BELMONDO : Oh, tu sais... Quand les types de cent trente kilos disent certaineschoses, ceux d'soixante kilos les écoutent...
Dans le bahut de Plouc
REGINALD KERNAN : Qu'est-ce qu'y voulait dire par “ T'oublie les souvenirs ! ” ?...Tu vas m'répondre que ça m'regarde pas...
LINO VENTURA : C't-à-dire c'est pas particulièrement tes oignons, non,mais c'est pas non plus un secret d'État... Tout l'monde le sait, ici, alors!... À Cherfa, y'a cinq ans, j'avais un p'tit burlingue avec un hangar ettrois bahuts... C'était presque fini d'payer... Ça s'appelait “ LaSaharienne des Transports ”... Éh ben, j'ai tout paumé en une journée...
REGINALD KERNAN : Poker ?
LINO VENTURA : Ah, non, écoute, j'ai déjà tort de t'racontertout ça, mais alors, si en plus, t'ajoutes des trucs de midinettes, alors-là,c'est plus possible !... Le gars du bled qui flambe au poker, ça, c'est ducinéma !... Non, c'est plus marrant qu'ça... Un dimanche, euj'parsde Cherfa avec la Jeep pour aller acheter un Delco à Amara... J'étaisparti à six heures du matin, j'étais rentré à neuf heuresle soir, c'est t'dire si j'm'étais magné, hein !... Ben, les connardsdu bled avaient pas lambiné non plus, eux !... Y z'avaient eu l'temps d'jouerà la Révolution !... D'changer leur dictateur de droite contre leurdictateur de gauche... Le Ministre des Affaires Étrangères et l'Chefde la Police empalés... Et tout ça avait donné lieu àdes p'tites réjouissances folkloriques, c'est-à-dire mes trois camionspassés au lance-flammes et ma baraque plastiquée !... Comme on n'arrêtepas l'progrès, ben, en plus, y m'ont réquisitionné ma Jeep...Y m'restait plus qu'le Delco, quoi !... Voilà... Alors depuis, parait qu'laRépublique a repris les commandes... Que les lance-flammes ont changéd'main mais moi, ch'uis pas pressé d'aller vérifier...
En rade dans une montée du Djebel
BERNARD BLIER : Éh ! Mais j'rêve pas !... C'est l'équipe de fer!... Ben, j'disais justement à Saïd “ C'pauvre Plouc, avec les mauvaisyeux qu'il a maintenant, va bientôt falloir mettre des filets sur le bord d'laroute... pour pas qu'il aille se foutre dans l'ravin ! ”... Éh ben !... Éh!... Bravo, jeunes gens !...
LINO VENTURA : T'as une barre de remorquage ?
BERNARD BLIER : J'ai tout c'qu'y faut !... Toujours... Quand tu roules devant moi,j'emporte même un moteur de rechange !... T'arriveras p'us à m'surprendre!... Enfin, c'coup-là, on n'aura pas à creuser, c'est déjàça !... J'aime mieux qu'on t'opère en surface... Parce que parti commet'étais l'autre coup, en améliorant un peu, fallait amener les... lesspéléologues...
LINO VENTURA : Non, c'est rien... Laisse... C'qu'y faut avec lui, c'est attendrequ'il s'épuise et surtout pas mouffeter, hein... Parce que si jamais t'asle malheur de dire un mot, un seul, c'est comme si tu mettais deux thunes dans l'bastringue,ça s'arrête p'us !...
Devant le rade des amis, dans le bled-étape habituel
ANNE-MARIE COFFINET : Vendredi dernier, tu m'avais promis qu'avant d'partir, tu taperaisà ma porte... Éh ben, t'as pas du taper bien fort...
LINO VENTURA : Ben, j'allais pas réveiller toute la cambuse, hein !
ANNE-MARIE COFFINET : Réponds-moi, Plouc !
LINO VENTURA : Oooh...
ANNE-MARIE COFFINET : Dis-moi la vérité...
LINO VENTURA : Quoi !?!
ANNE-MARIE COFFINET : Est-ce que ch'uis une putain ?
LINO VENTURA : Ben... Tu couches toujours avec tout l'monde ?... Enfin, j'veux dire,euh... avec les copains, quoi...
ANNE-MARIE COFFINET : Oui.
LINO VENTURA : Et y'en a pas un, des fois, qui... qui t'aurait refiler d'l'oseille,non ?
ANNE-MARIE COFFINET : Non.
LINO VENTURA : Éh ben, alors... T'es notre petite Angèle, c'est tout...Hein ?...
Règlement de comptes en plein désert
LINO VENTURA : T'arrive cinq ans trop tard, mon pauvre Frocht... Et puis, ch't'aivu lâcher ton flingue... Tu l'as jeté à tes pieds... Oublie jamaisça !...
REGINALD KERNAN : Qu'est-ce que tu veux dire ?
LINO VENTURA : Que t'es fini !... Que t'existe plus !... Quand un mec comme toi s'dégonfle,même une seule fois, ben, c'est terminé !... Tu vas encore traînerun peu... On entendra parler d'toi, encore, dans des p'tites révolutions merdeuses...Et pis tu feras encore des p'tites saloperies, comme ça, pour la gamelle...Pis tu deviendras clodo... À Abidjan ou ailleurs... Pis un jour, ben, tu t'ferasdescendre en piquant un porte-monnaie ou pour un litre de rouge... Je te mettraisbien mon poing dans la gueule, mon pauvre Frocht, mais t'irais encore te prendreau sérieux...
En rade sur la piste, à pinces
BERNARD BLIER : Troisième service !... Dis donc, qu'est-ce que t'as fait d'tontas d'ferraille ?
LINO VENTURA : Si on te l'demande, hein !
BERNARD BLIER : Éh ben, mon vieux, y z'ont pas beau jeu avec toi, les camions!... Tu l'as enfoncé, tu l'as embourbé, pis voilà maintenantqu'tu l'as paumé !... On peut dire qu't'es un cas !
LINO VENTURA : Meeerde !!!
BERNARD BLIER : Et pis aimable, avec ça !
DES PISSENLITS PAR LA RACINE - GEORGES LAUTNER (1963)
Dans un troquet
MAURICE BIRAUD : À vous entendre, la môme Rocky, ça serait Blanchede Castille, les diamants d'la couronne ou le lingot d'or surfin ! Éh ben,pour moi, c'est rien qu'un bourrin comme les autres !
GIANNI MUSSY : Forcément, tu causes sans connaître.
MAURICE BIRAUD : Ah-ah-ah-ah-ah-ah ! Sans connaître, qu'y dit ! Ah-ah ! T'asparlé qu'de ça pendant deux ans, ch'connais l'parcours mieux qu'toi!... Les châsses de Madame, les cannes de Madame, les noix d'Madame... Ch'tedis pas qu'on s'désintéresse, moi, ch'uis curieux d'la vie, mais çafinit par lasser...
Toujours au bistrot, mais avec son âme-damnée
MAURICE BIRAUD : Dans le domaine du turf, jeune homme, y'a deux façons d'croquer.La magie ou le hasard.... J'explique. Favori sur faux ticket ou tocard sur vrai tickson...À moi, la magie m'a coûté deux ans d'placard... C'est pourquoi,aujourd'hui, j'aime mieux un mauvais cheval qu'un bon juge d'instruction !
Conseil de guerre au salon
MAURICE BIRAUD : On a perdu une bataille, hein ! On n'a pas perdu la guerre !...Alors Jacques, on l'oublie, on n'a pas l'temps d'attendre qu'y récupère...Alors, toi qu'a d'l'oreille, faut apprendre la musique.
MIREILLE DARC : La musique ? Y'a dix ans qu'j'la connais ! Je sais...
MAURICE BIRAUD : Ah, dis donc, éh ! Mollo-mollo-mollo, hein, bon !... PomChips, Jacques le Minable et Jérôme le Râcleux, y sont partisensemble. C'est pas Pom Chips qui va nous dire où !... Jacques, y parle àcôté... Alors reste le p'tit Mozart... Bon. Alors, moi, ch'fournis lasono et toi, t'ensorcelles le soliste... Mais alors, attention, hein ! Pas d'agaceries,pas d'bagatelle, hein ! Du travail sérieux !... D'ailleurs, ch't'ai étudiéesur un parcours et j'dis tu tiens la grande forme... T'as la science du train. Tudérapes pas, t'as l'rush !... Alors faut me l'confesser à l'arraché!
Débriefing, toujours au salon
MAURICE BIRAUD : Éh ben, c'est tout ?
MIREILLE DARC : C'est tout.
MAURICE BIRAUD : Et y t'a fallu un tour de cadran pour apprendre ça ?!...À c'train-là, on va s'faire repasser notre carbure !... Ah, j'la subodore,la valse-là, hein ! J'la vois venir, la malédiction ! Dis donc, toi,c'est pas l'moment d'dormir, hein !... Une visite des lieux s'impose, mais pour ça,y faudrait un motif.
MIREILLE DARC : T'as qu'à venir avec moi.
MAURICE BIRAUD : Et où ça ?
MIREILLE DARC : Y m'a invitée à sa répétition.
MAURICE BIRAUD : Aaah, tu sais qu't'es un crack. Un vrai cador, une intelligence-phare!
UN SBIRE : Moi, j'veux pas y aller ! Les maisons où y'a des morts, çaporte malheur !
MAURICE BIRAUD : Des malheurs, y peut nous en arriver qu'un ! Nous faire engourdirnotre paquet d'oseille !... Ah, moi, pour deux cents briques, hein, ch'fais du campingà la morgue ! Ah, parole !
Au guichet du PMU
MAURICE BIRAUD : Flush Royale !... Quatre-cent-vingt-et-un !... Neuf à laponte !... Belote !... Rebelote !... Et fanny !
L'EMPLOYE : Ça veut dire ?
MAURICE BIRAUD : Ça veut dire “ envoyez l'oseille ” et fissa ! Les riches,ça attend pas, ça fait des colères !
L'EMPLOYE : Ben, quoi ? Qu'est-ce que vous voulez ?
MAURICE BIRAUD : Éh ben, c'est écrit dessus !
L'EMPLOYE : Le Onze, le Cinq, le Deux ?... La dernière fois qu'on les a vu,y barbotaient dans la rivière des tribunes !
Au guichet du PMU, juste après
L'EMPLOYE : Un million sept cent quatre-vingt mille francs... Par le Sept, le Neuf,le Dix-huit... C'était drôlement difficile à trouver !
MICHEL SERRAULT : Dans le domaine du cheval, mon ami, depuis Reichhoffen, la fortunene sourit plus aux audacieux, c'est connu !... Le Tiercé exige une certainecompétence, soit, mais d'abord, et surtout, de propres qualités humaines...Honnêteté foncière, mœurs spartiates, esprit d'entreprise, mais...de la musique avant toute chose... Et peut-être aussi un peu de chance, maissi peu... Et n'oubliez jamais qu'il n'est pas nécessaire de vaincre pour persévérer...Mes amitiés autour de vous, mon cher, et à lundi prochain.
Dans sa turne
MAURICE BIRAUD : Y'a les vents contraires, la dégoulinante infernale, le poteaunoir, la scoumoune !... Mais y'a ceux qui s'effondrent et ceux qui réagissent....Et c'est pas seulement une question d'choux, mais c'est une affaire de tour de main...Et l'Jo, il l'a gardée sa paluche miracle... Sa pogne en Zéphyr...Le Rubens de la taille douce, le Léonard du composteur... Et quand j'vaisles palper, mes deux cents briques, qui c'est qui, là-haut, va l'avoir dansl'baba ?... C'est c'fumier d'Pom Chips !
CARAMBOLAGES - MARCEL BLUWAL (1963)
Dans le bureau du promu
SOPHIE DAUMIER : Ça m'fait tout drôle d'être là avec toi.Tu sais c'que ça prouve ?
JEAN-CLAUDE BRIALY : Non.
SOPHIE DAUMIER : Ben ça prouve que contrairement au crime, le travail paie...
Aux plumes
SOPHIE DAUMIER : Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour toi... et puis tu m'asdit que tu étais las des poupées sans cervelle et que ce que tu aimaisen moi, c'était mon intelligence... et puis tu m'as emmenée àl'hôtel... C'était la première fois.
JEAN-CLAUDE BRIALY : Hein !?
SOPHIE DAUMIER : La première fois qu'on m'aimait pour mon intelligence...
Dans le bureau de Paul Martin
MICHEL SERRAULT : Trente ans d'bagne !... Et peut-être même quarantesi vous tenez l'coup !... Le mariage, mon cher, c'est le Biribi des amours !... Moi,ça fait vingt ans que j'déguste... J'me suis marié en quarante-deuxparce que ça donnait droit à un costume pure laine et une paire dechaussures en cuir. Voilà où ça mène, l'élégance...
Dans le nouveau bureau de Paul Martin
MICHEL SERRAULT : Bon, ben c'est pas tout ça mais va falloir qu'on cause unpeu tous les deux, hum ?... (À Solange...) J'ai pas dit tous les trois !!!Allez raus !!!... (Elle ripe fissa...) Dans l'bureau de votre patron, on a retrouvédes lettres anonymes... tapées à la machine... avec Baudu, c'est commesi c'était signé, c'est les Assises, le panier d'sciure...
Dans le bureau de Solange
MICHEL SERRAULT : J'enquête, j'ai tous les droits... Z'avez d'la chance, çan'a pas été tapé ici... Pour peu qu'ça rigole, c'étaitla réclusion à perpèt' !... Mais la complicité peut allerchercher vingt ans...
Dans le bureau des dactylos
MICHEL SERRAULT : Certains d'mes collègues travaillent en férocité,moi, j'ai des manières... Organdi, talons rouges, le menuet, iiihooohaaahiii-laaaliiilaaa,mais j'ai pas l'habitude de m'laisser charrier par des saucisses !!!
Dans le bureau de Paul Martin
MICHEL SERRAULT : Cher Monsieur Martin, vous qui êtes intelligent, voyez unpeu ça. La lettre “ c ” a un p'tit défaut, regardez le mot “ cocu ”...Ça tombe bien. Il aurait écrit “ salaud ” ou “ vendu ”, j'aurais pasd'indice... (Toc-toc-toc)... Was ist das ?!!
Dans le nouveau bureau de Paul Martin
MICHEL SERRAULT : Quand il s'agit de faire tomber une tête, rien n'est prématuré.Ce qui prouve la solidité d'la peine de mort, ce sont les erreurs auxquelleselle a survécu...
Dans un burlingue
MICHEL SERRAULT : C'est limpide... Daleyrac envoit la lettre anonyme, son patronla reçoit, il est désespéré, il se jette par la fenêtre,et vlan !!!... Le drame de l'homme sensible... J'en aurais fait autant...
SON ADJOINT : Pardon d'être outrecuidant, Chef. Je m'avance peut-être,mais... si par hasard, c'était quelqu'un d'autre qui avait tapé surla machine de M'sieur Daleyrac ?
MICHEL SERRAULT : Adjoint Levey, vous n'êtes pas outrecuidant, vous êtescon comme un Adjoint... Notez bien qu'c'est normal. Si vous étiez une lumière,vous n'seriez pas Adjoint, vous seriez Inspecteur...
Conclusion de la démonstration
MICHEL SERRAULT : Vous pensiez qu'l'enquête serait faite par un imbécile,manque de chance, c'est tombé sur moi...
Dans le nouveau bureau de Paul Martin
MICHEL SERRAULT : Assassin ! Assassin ! Assassin !... Je tiens l'assassin. C'n'estpas un accident, c'est un crime. J'ai l'analyse du labo. La médaille a parlé,elle a tout avoué !... Dès lors, tout est limpide... comme une sourcecoulant parmi les edelweiss... Les empreintes sur l'objet, l'objet sur le lieu ducrime... On en a raccourci pour moins qu'ça...
SOPHIE DAUMIER : Ooon... On va raccourcir qui, M'sieur l'Inspecteur ?
MICHEL SERRAULT : Beaumanoir, voyons, c'est lumineux ! Les lettres anonymes de l'horribleDaleyrac préviennent l'imbécile mari que l'affreux Beaumanoir a desrelations coupables avec l'abominable Madame Charolais... Se voyant découvertpendant la fête, l'affreux tue l'imbécile, seulement attention... Àc'moment-là, Baudu arrive, lui... déductionne, conclut, arrêteet crac... le coup'ret tombe... Qu'est-ce que vous dites de ça, jeunes gens? C'est-y d'la bonne police ?
JEAN-CLAUDE BRIALY : Monsieur de Beaumanoir a avoué ?
MICHEL SERRAULT : Ah, ben ça, c'est la meilleure !... On refuserait d'avouerà Baudu ? On ferait des ennuis à ce brave Baudu ? On forcerait Bauduà sortir ses outils ?... Ben, Baudu les sortira... Tous, tous, tous... Jawohl,Doktor Kranz !!! Faites marcher l'chauffe-bain !... Quand j'aurais fini de l'pomponner,de l'bichonner... y'aura plus d'Beaumanoir, jeune homme... Y'aura p'us qu'une bêtegluante, le monstre idéal, le coupable estampillé Baudu... Il auraassassiné tout l'bottin, buté la terre entière... Abel, Marc-Antoine,le Duc d'Enghien et le regretté Président Doumer... Toute la lyre...Je lui offrirai alors une cigarette... que je lui allumerai moi-même... Bauduest comme ça. Jugulaire-jugulaire... mais donnant-donnant... Je vais l'cravaterd'ce pas...
Dans l'ultime bureau de Paul Martin
MICHEL SERRAULT : Fripouille !!!... Petite fripouille ! J'vous y prends, hein !?On fume déjà les cigares du patron... J'vous ai fait peur ?
JEAN-CLAUDE BRIALY : Je n'savais qu'vous étiez là.
MICHEL SERRAULT : Ah, “ Je suis partout ”. C't un jeu d'mots, et remarquable... Tenez,offrez-moi un cigare.
JEAN-CLAUDE BRIALY : Ne touchez pas à ça !... N'ouvrez pas ça!... Non-non-non !
MICHEL SERRAULT : Vous n'êtes pas donnant, dites donc, vous. La dernièrefois qu'j'ai fumé un Havane, c'était dans un bunker, quand on m'a nomméPréfet d'Police le dernier jour. Les voyous à Leclerc étaientà une portée d'Moser !... (Explosion...)
Au balcon truqué
MICHEL SERRAULT : Tenez ! On vient l'chercher... Venez ! Venez, ça vaut lapeine... Ouuuh, il est superbe !... Il écume, il bave de la mousse verte !Mais venez ! Mais c'est grandiose !... Ça fume, ça pétarade! C'est juin quarante ! C'est Dunkerque !... Et un folingue, un ! Aaaaah ! (Chutedu balcon...)
LES BARBOUZES - GEORGES LAUTNER (1964)
À la réception de l'hôtel
LINO VENTURA : “ Si la pluie continue, les fraisiers seront en retard... ”
PHILIPPE CASTELLI : “ ... Mais les grenouilles seront en avance... ”
Dans le bouic funeste
LA TAULIERE : Oh, Monsieur Lagneau ! Vous n'avez pas connu les soirées dutemps d'Son Excellence !
LINO VENTURA : Croyez bien qu'je l'regrette !
LA TAULIERE : C'était pas du tout c'que vous pensez !
LINO VENTURA : Ah, ben, écoutez, Madame Pauline, faut quand même voirles choses en face !... La Chambre des Glaces, le Boudoir Chinois, les fillettesau salon, euh... dans ma jeunesse, ça s'appelait un boxon !...
LA TAULIERE : Oh, bien sûr ! Si vous jouez sur les mots !... On leur fait direc'qu'on veut, aux mots !... Pour Monsieur Bénard Shah, ma maison, c'étaitplutôt un décor... Une façon de voir qu'on n'a pas vieilli, qu'onreste... fixé dans une époque... Y pensait pas tellement galipette!... Mais plutôt... tradition !
Dans la piaule mortuaire du clandé
LINO VENTURA : Ma parole ?... Mais c'est le beau Rudolph... Le fidèle cornac...La perle des gens d'maison !
ANDRE WEBER : Vous me connaissez ?
LINO VENTURA : Tu vois, c'est ça, la gloire !... Mauvaise journée,hein... Le temps s'brouille...
ANDRE WEBER : Oui. J'ai beaucoup d'peine.
LINO VENTURA : Non, non. Ch'parle pas du point d'vue affectif, mais... du point d'vuepénal... Ch'pense à tes dix ans d'trav' par contumace.
ANDRE WEBER : Je croyais que Son Excellence...
LINO VENTURA : Son Excellence avait l'bras long, oui... Son Excellence avait obtenuune amnésie courtoise des fichiers, mais... Son Excellence est cannée!
Dans un petite auberge, en chemin
UNE SERVEUSE : Monsieur déjeune ?
LINO VENTURA : Ben, il en est question, oui. Qu'est-ce que vous avez ?
UNE SERVEUSE : Aujourd'hui, nous avons le plat d'côtes ou les paupiettes oule civet d'lapin...
LINO VENTURA : Aaah, ben, vous allez m'mettre des paupiettes en ouverture et un platd'côtes... Non, non ! Attendez... Mettez-moi d'abord un civet à la placedes paupiettes... Et puis mon plat d'côtes après, quoi... Et pis...glissez-moi une petite paupiette avec, hein ?...
NOËL ROQUEVERT : Vous prendrez bien un p'tit dessert ?
LINO VENTURA : Ouais... Vous avez des tartelettes ?
UNE SERVEUSE : Oui.
LINO VENTURA : Éh ben, tout d'suite après l'fromage, j'y goûteraibien volontiers... Pis, alors, après, ben, une p'tite bricole... C'que vousavez, quoi... Une crème renversée ou une p'tite glace, hum... Allez,mon petit, allez...
Dans un salon du Château
BERNARD BLIER : J'étais en oraison lorsque j'apprends l'affreuse nouvelle...Je bondis... Je vole... J'accours pour vous soutenir, Madame, dans la douloureuseépreuve que Dieu vous envoie... J'étais le confesseur, enfin, mieuxencore, le confident de votre admirable époux...
LINO VENTURA : Comment, mais ?... Le cher cousin s'était converti ?... Depuisquand ?
BERNARD BLIER : J'ai eu l'immense joie de ramener cette âme au Seigneur...Mais d'où vient, Monsieur, votre surprise ? Vous étiez un ami ?...Intime, peut-être ?
Dans la chambre de la veillée funèbre
FRANCIS BLANCHE : Ah ! L'odeurr du goudrron sur les quais d'Odessa !... Le vent dularrge dans les cheveux de ce pauvrre cherr Constantin !...
MIREILLE DARC : Mais ? Je croyais qu'il était né à Téhéran?
FRANCIS BLANCHE : Et alorrs ?... On chante aussi bien à Téhérranqu'à Odessa, non ?
LINO VENTURA : Oui, mais l'vent du large souffle un peu moins fort, c'est àdeux cents bornes de la mer !
FRANCIS BLANCHE : Hum... Notion bourrgeoise des distances !...
Au pied de l'escalier, à la sortie des condoléances
FRANCIS BLANCHE : Ah ! Souffrrance ! Moment pénible !
BERNARD BLIER : Mais qu'il est réconfortant de voir le courage de celle quia perdu l'être cher.
LINO VENTURA : C'est ça !... Mais moi, ch'peux vous dire que si l'moujik continueà délirer, la môme va nous prendre pour des loufs !... Et c'estpas la peine que ch'faufile dans l'Bossuet pour venir me casser la baraque !
BERNARD BLIER : La coexistence ne peut, en effet, s'concevoir qu'entre gens du mêmemonde.
LINO VENTURA : Elle peut également ne pas se concevoir du tout !
Au p'tit déj', en terrasse
BERNARD BLIER : Pourquoi ne pas poursuivre cette idée de trêve évoquéeun peu sommairement hier soir, et qui rendrait ce séjour harmonieux.
FRANCIS BLANCHE : Et le jourr venu ? Qui averrtira Borris qu'elle est rompue, latrrêve ?
LINO VENTURA : Mais monsieur l'Abbé lui-même... En t'filant une grenadedans la tronche !
CHARLES MILLOT : Ou en glizzant un zcorpion dans mon lit !
BERNARD BLIER : Oh, n'exagérons pas... On en réchappe...
CHARLES MILLOT : Pas touchours !... Léonid Botchakov, à Lima, et LiliSchmürtz, à Barzelone, y zont reztés !...
BERNARD BLIER : M'accuserait-on ?
LINO VENTURA : Mais non ! Qu'est-ce que vous allez chercher-là ?... N'empêcheque dans certaines de nos écoles, le coup du scorpion est désignéaux futurs agents sous le nom du “ Coup du Chanoine ” !...
BERNARD BLIER : Et le coup du dynamitage du Boeing ?... Avec cent quatorze activistesbélouchistanais à bord ? Est-c'qu'y porte un nom ?!...
LINO VENTURA : Jamais entendu parlé d'ça.
BERNARD BLIER : Et la liquidation du réseau Koenigsmark ?... Quarante personnesdans du mazout en flamme !... C'est rien !... M'enfin faut l'faire !... Vous m'répondrezqu'sur ces quarante personnes...
FRANCIS BLANCHE : Je ne vous rrépondrrais rrien du tout ! Je ne vous parrleplus !
Sur le plumard d'Amarante
MIREILLE DARC : Vous avez l'air soucieux.
LINO VENTURA : Ben, y'a d'quoi oui !... Y faut dire qu'ça fait jamais plaisir.
MIREILLE DARC : Qu'est-ce que j'vous ai fait ?
LINO VENTURA : Oh, vous, rien, mais... c'est tous ces autres-là... Le Ricain,les Chinois, toutes ces fatalités... Vous allez finir par me prendre pourun brutal !
MIREILLE DARC : Oooh...
LINO VENTURA : Mais si, mais si !
MIREILLE DARC : Pourquoi dites-vous ça ?
LINO VENTURA : Mais parce que ch'connais la vie, Amarante !... On juge facilementles gens sur les apparences... Voilà... Tenez... Si j'vous disais déjàqu'à treize ans, j'me suis fait virer du Lycée Jeanson d'Sailly pourun malheureux coup d'poing dans la gueule ! J'défendais un p'tit et quand-t-y...
MIREILLE DARC : Tt-tt-tt... Francis...
LINO VENTURA : Ah, parce que j'ai p't-êt' jamais pris d'coup d'poing dans lagueule !
MIREILLE DARC : Si !... Sûrement, même !... Mais pas à Jeansond'Sailly... Francis... Qui êtes vous au juste ?
BERNARD BLIER : (À l'écoute dans sa chambre, avec Boris...) Un fumieret une ordure !
FRANCIS BLANCHE : Un cafarrd abject ! Un sycophante vérreux !
LINO VENTURA : Ah, si tu savais c'que ça m'gène de t'mentir tout l'tempscomme ça...
MIREILLE DARC : Boh-boh-boh...
LINO VENTURA : Bon, ben, t'as raison, j'ai jamais été à Jeansond'Sailly, là !... Toi, par contre, dis donc, t'à-l'heure, tu m'parlaisd'l'“ Ange Rouge ”... Éh ben, tu sais où j'les ai faites, mes humanités,moi ?... Au “ Colyséum ”...
MIREILLE DARC : J'ai connu !... On y allait l'dimanche après-midi avec Lucienne...À cette époque, j'm'appelais Antoinette et Rosalène s'appelaitLucienne... C'était l'début du Cha-cha...
LINO VENTURA : Le Cha-cha !... Éh ben, ch'te plains !
MIREILLE DARC : Mais pourquoi ?
LINO VENTURA : Ben, parce que t'es née trop tard... Qu'est-ce que t'as connu?... Des contorsionnistes ?... Des voltigeurs ?... T'as jamais connu les vrais câlins!... Ah, nous, on donnait pas dans l'tropical, mais... on faisait tout çadans l'suave, “ Saint-Louis Blues ”, tango chinois...
MIREILLE DARC : Oui-oui... Emballage et hôtel tout confort !... Éh ben,figure-toi, nous, c'était pas l'genre... On y allait pour danser... Et mêmedes fois, p'utôt qu'de s'faire raccompagner, on rentrait à pince jusqu'àla Contrescarpe.
LINO VENTURA : Où ça, t'as dit ?
MIREILLE DARC : La Contrescarpe.
LINO VENTURA : Tu sais où ch'uis né, moi ?... Rue Mouffetard !
MIREILLE DARC : Oh, c'est pas vrai !
LINO VENTURA : Si !
BERNARD BLIER : Gnâââh !... Moi, ch'faisais des pâtésau Luxembourg ! Moi, au Parc Montsouris !... Y vont quand même pas remonterau biberon, non !!!
MIREILLE DARC : Dis !... Maintenant qu'on n'se ment plus, tu veux bien que ch'tepose une question ?...
LINO VENTURA : Ben, oui !
MIREILLE DARC : Est-ce que tu es marié ?
LINO VENTURA : Mais bien sûr que non, allons, voyons !... Mais dans mon métier,mon p'tit lapin, c'est pas possible... Quand c'est pas l'bateau, c'est l'avion...Toujours les valises... Un jour à Bornéo... Un jour à Shanghai...Un baiser d'Russie... Un banco à Bangkok... Une mission par-ci...
MIREILLE DARC : Une fille par-là...
P'tit déj' en canfouine
FRANCIS BLANCHE : Cherr Hans, pourrquoi vous trranspirrez ainsi ?
CHARLES MILLOT : Parze que che pense !... Che m'interroche... Ozera-t-il deszendre?
BERNARD BLIER : Qui ?... Sardanapale ?... Je l'vois plutôt hébété,vautré sur sa litière, ensuqué par le stupre... Ah, y n'f'rasurface qu'avec le couché du soleil, façon... oiseau de nuit...
FRANCIS BLANCHE : Je ne comprrends pas la petite colombe ! Pourrtant, j'étaislà !
BERNARD BLIER : Dites-moi, Rudolph, et les croissants ?
ANDRE WEBER : Pour avoir des croissants, faut aller au village !... Et j'ai pluspersonne...
CHARLES MILLOT : Les domeztiques ?... Kouic ?... Tous ?
FRANCIS BLANCHE : Les pauvres gens...
LINO VENTURA : Bonjour, messieurs !
CHARLES MILLOT : Tiens ! Notre fénérable konfrère !
FRANCIS BLANCHE : Dans le simple apparreil d'une beauté qu'on vient d'arrracherau sommeil...
BERNARD BLIER : Rassurez-nous vite, mon cher Francis... J'espère que notrecharmante hôtesse n'a pas été trop perturbée par les événementsd'cet'nuit ? Je m'permets cette question parce que je pense que... vous l'avez vueaprès nous...
FRANCIS BLANCHE : Que dit-elle de tout ça ?
LINO VENTURA : Elle dit “ Caltez, volaille ” !!!
Pique-nique à la campagne
MIREILLE DARC : Avoue tout d'même que ch'uis la Reine des Pommes !
LINO VENTURA : Mais non, mais non... Bon, alors, écoute. Voilà l'emploidu temps. Dans dix minutes, on est à l'aéroport... Dans une demi-heure,décollage... Et dans trois heures, on est à Lisbonne... Demain matin,à dix heures, tu fonces à ta banque et tu retires les papiers du coffre...À onze heures quarante, décollage... Quatorze heures, Orly... Quinzeheures, Matignon... Mes respects, Monsieur l'Ministre... Et on s'débarrassedes fafiots !... Tu vois ? Y'a qu'à pousser...
MIREILLE DARC : À l'œil ?
LINO VENTURA : Oui ! Là !... M'enfin, écoute. C'est tout d'mêmecurieux, chez toi, cette mystique de la monnaie !... Enfin, quoi !
MIREILLE DARC : Admettons qu'je fasse un don. Ch'uis folle. Bon... Mais y n'y'a p't-êt'pas une telle urgence !...
LINO VENTURA : Mais si !... Tant qu'tu possèdes ces brevets, c'est le Rifgaranti !...
MIREILLE DARC : Aaah ?
LINO VENTURA : Ben, t'en as déjà eu un p'tit aperçu, non ?...Imagine-toi qu'ça pourrait recommencer !... Les micros sous l'lit, les tueursdans l'placard, la dynamite dans la soupe !...
MIREILLE DARC : Mais si ch'uis avec toi ?
LINO VENTURA : Mais-c'est-pa-reil !... Tiens ! Si ch'flinguais les trois clowns quetu connais, comme ça, histoire d'aérer... Éh ben, dèsl'lendemain, y'en aurait trois autres en piste !...
LES BONS VIVANTS - GILLESGRANGIER & GEORGES LAUTNER (1965)
Dépression au clandé
DOMINIQUE DAVRAY : Dis pas d'bêtises, Charles... Tu cafardes, tu neurasthénises...Tu ferais mieux d'avaler une bricole.
BERNARD BLIER : Ch'uis noué !
DOMINIQUE DAVRAY : Fais pas l'enfant, ch't'ai fait battre un lait d'poule !
BERNARD BLIER : C'est gentil d'ta part, Gravosse, mais ça passerait pas...Y'a des jours où on sait même pas l'goût qu'pourraient avoir leschoses !... On voudrait s'dissoudre... Plus penser... C'est le drame de l'homme,ça !... Pas pouvoir s'arrêter d'penser...
Dans une piaule du garni
BERNARD BLIER : Ah-la-la, mon pauvre toubib, vous vous donnez bien du mal pour rien,allez... Ça va pas durer longtemps, la bonne santé... Le hasard dela rencontre avec n'importe qui, n'importe où, n'importe comment... Ah, çava être la fête aux gonos !... L'Hôpital Saint-Louis en étatd'siège !...
HENRI VIRLOJEUX : Ah, vous vous faites des illusions, va. On verra jamais tout ça...Avec leurs sulfamides et leurs antibiotiques, il est vaincu, l'péril !...Maintenant, on guérit tout dans un mois... Alors, le spécialiste, danstout ça, qu'est-ce qu'il devient, hein, vous voulez m'le dire ?
BERNARD BLIER : Alors-là, vous noircissez le tableau parce que du malade,y'en aura toujours...
HENRI VIRLOJEUX : Du malade, du malade, du malade... Qu'est-c'ça veut dire,ça, du malade ?!... Vous m'voyez, moi, après vingt ans d'médecinegalante, aller soigner les coqueluches des mômes ?!
Dans le salon principal du claque
BERNARD BLIER : Oh, ben, dis donc ! C'est pas mon jour !... Le toubib m'a regardél'blanc d'l'œil... Il a eu l'traczir !... J'ai la maladie des chefs d'entreprises! Y m'ordonne l'arrêt complet...
DOMINIQUE DAVRAY : Ben, d'toute façon, qu'on ferme sur décret ou surordonnance... Ah-ah-ah-ah !
BERNARD BLIER : J'admire la gaieté d'madame !!!
DOMINIQUE DAVRAY : Oh, te vexe pas, Gros. C'est pas avec ta santé que ch'plaisante.C'est avec les rêveries des cavettes... Tu sais pas la dernière ?...Tu sais pas c'que Solange et Mauricette m'ont annoncé ?...
BERNARD BLIER : Ah, m'pose pas d'devinettes c'matin, j'arrive pas à émerger!
DOMINIQUE DAVRAY : Ben, ces dames s'exportent ! Elles visent la carrière américaine...
BERNARD BLIER : Bravo, mes mignonnes... Vous avez du cœur... Et on peut savoir quelleAmérique vous risquez ?
SOLANGE : Du Sud, Monsieur Charles !
BERNARD BLIER : Alors-là, j'dirais même que vous avez d'la santé!
DOMINIQUE DAVRAY : Elles marchent au mirage du peso ! Du bolivar, du cruzeiro etdu cordoba !
BERNARD BLIER : J'dis pas qu'c'est pas des monnaies agréables à changer! Mais avant, faut les faire venir !... Et si vous parler pas l'espingo ou le portugais,j'vous vois pas gagnantes !
MAURICETTE : On fait une heure d'“ Assimil ” tous les soirs...
BERNARD BLIER : D'“ Assimil ”...
DOMINIQUE DAVRAY : Oooh !... Mais c'est pas dans l'“ Assimil ” que t'apprendras àreconnaître un va-nu-pieds d'un client !... Là-bas, y s'ressemblentà s'y tromper ! Tu peux, facile, virer un planteur et faire bon accueil àun désespérado !
SOLANGE : C'est vrai, Madame Blanche ?
DOMINIQUE DAVRAY : Bah ! Raconte-leur, toi, Charles ! Le voyage dans l'entrepont...
BERNARD BLIER : Aaah...
DOMINIQUE DAVRAY : Sur le bananier...
BERNARD BLIER : Oh-la-la...
DOMINIQUE DAVRAY : Notre arrivée dans la plus belle baie du monde...
BERNARD BLIER : J'avais acheté à Madame Blanche deux robes, PassageBrady... Pis pour moi, un costard de chez Alba...
DOMINIQUE DAVRAY : T'avais des lattes pointues en chevreau... De chez Bammy... L'croco,c'est venu plus tard...
BERNARD BLIER : Ouais... Ben, mes pompes toutes neuves... J'les avais à peineposées sur le quai que j'avais plus d'montre !
Au zinc du boxon
DOMINIQUE DAVRAY : Oooh... Oh, t'as l'air secoué, Grand... Et ta nénettesi sensible ? Comment est-ce qu'elle prend la chose ?
FRANCK VILLARD : Oooh !... J'ai du la mettre en clinique !... Nervous breakdown...
BERNARD BLIER : Alors t'as lourdé tout seul !
FRANCK VILLARD : Seul !... Comme un paria !... Comme un lépreux !... J'aitraversé la ville en charrette... Personne me saluait plus... Des clientsd'vingt ans !... Des notables... Des gens qu'j'avais obligé... Qui tournaientl'dos en reconnaissant ma voiture !... Un record d'ingratitude !...
BERNARD BLIER : T'entends c'qu'y dit, dis !? T'entends !?
FRANCK VILLARD : Alors j'ai préféré prendre la route... J'airemonté la Vallée du Rhône... Partout des ruines, Charles...T'entends ?... Partout... Riton d'Alès ! Le Grand Louis d'Valence ! MadameAimée ! Oooh... Une personne qui tient à Auxerre depuis quinze ans!... Tous à la rue ! Les Cadillac sous pression ! Le chemin d'l'exil ! C'estla Grande Peur, Charles !... L'An Mil !... Comme dans les bouquins d'l'École!... Ben, heureusement qu'y'en a qui tiennent le coup !... Et c'sont eux qui m'envoient.Ceux qui se rebiffent !
BERNARD BLIER : Sans indiscrétion, qui se rebiffent contre quoi ?!
FRANCK VILLARD : Contre la loi inique !... Contre les menées scélérates!... Hier soir, à Lyon, on a fondé notre Comité d'Résistance.
BERNARD BLIER : Dis, c'est pas vrai ! Tu charries !
FRANCK VILLARD : Trente-sept tauliers !... La fine fleur de la profession étaitprésente... Et un plan a été adopté à l'unanimité!
BERNARD BLIER : Mais un plan d'quoi ! Tu m'étourdis !!!
FRANCK VILLARD : Mais un plan d'action ! Suis un peu c'que j'dis !... Trois millepensionnaires montent déjà sur Paris !... Pour le défiléde revendication... De la porte Saint-Martin à la Madeleine... et j'aime mieuxt'dire qu'ça va faire du pétard !
BERNARD BLIER : À la Préfecture sûrement !...
FRANCK VILLARD : Charles...
BERNARD BLIER : Oui.
FRANCK VILLARD : Le Comité a pensé à toi comme le plus capable.
BERNARD BLIER : Capable de quoi ?
FRANCK VILLARD : De grouper les gagneuses parisiennes !... Tu devrais pouvoir enamener mille, on estime... Quatre mille manifestants, qu'ça nous ferait !...Dis, tu vois un peu ? Le lendemain ? Dans tous les canards ?
BERNARD BLIER : Tu parles, si j'vois. J'vois même mon nom en gros caractères!... Dis, tu trouves pas qu'on a assez d'emmerdements comme ça, non ?!
FRANCK VILLARD : Ah, ben, alors-là, Gros, ch'te comprends p'us !... T'es pourtantrenommé pour avoir du choux !
BERNARD BLIER : Bon. Ben, justement, j'vais t'dire c'que j'en pense, moi, de votreComité !... Vous, les hommes, vous allez descendre tout droit au placard !Y'a d'la place ! Y'a même des Présidents tout proches !
FRANCK VILLARD : Oooh, tu crois, Gros ?
BERNARD BLIER : Affiché !
FRANCK VILLARD : Alors ? Faut... faut s'dissoudre ?
BERNARD BLIER : Et rapido !... Avant les mandats pour menées subversives !
FRANCK VILLARD : Oooh... Et la Ligue des Droits de l'Homme ? Dans un cas comme ça? Elle pourrait rien ?
BERNARD BLIER : Oh, dis donc, Marcel. Tais-toi, tiens, tu m'fatigues !...
DOMINIQUE DAVRAY : Moi aussi, j'vais t'donné un conseil, Grand... Dis àtes confrères qu'y lâchent pas su'l'bitume leurs trois mille grognasses!... Parce que y'a des futés qui vont monter à l'œil !... Hum... Lesjeunots d'aujourd'hui, c'est pas la morale qui les étouffe, hein...
BERNARD BLIER : Allons, te laisse pas abattre !... On s'en sortira... On trouverabien une autre défense, quoi... L'important, c'est d'tenir...
FRANCK VILLARD : Ben, pour tenir, faut pouvoir !
BERNARD BLIER : Oh, dis donc, éh ! Ça fait dix ans qu'tu tournes àToulon... Tu vas pas m'dire que t'es raide, non !
FRANCK VILLARD : Éh ben, si, Charles !... Parce qu'à moi, y m'ont faitl'maximum !... Maintenant, y lourdent les taules, mais avant, y z'avaient rouvertles tripots !... Comme si c'était plus moral !... Total, avec mon goûtpour le carton, éh ben, ch'uis sur les jantes ! Tondu à blanc !
DOMINIQUE DAVRAY : Malgré ta Bérézina, t'as p't-êt' pasperdu ton bel appétit ?... J'ai dressé un buffet... Y'a du caviar etdu saumon fumé... Et même un lait d'poule, si l'cœur t'en dit...
En pâmoison devant une croûte
UNE PENSIONNAIRE : Y ressemble à mon père !... Et celui-là àmon grand-père !... Oh, dites, monsieur Charles, çui-là y ressembleà mon père !
BERNARD BLIER : Oooh, et l'zouave, y ressemble pas à ta sœur, non ?!!... Ah,celle-là, alors !... Les images, les poupées... Elle suce pas son pouce,des fois, non ?...
Dans un petit salon de la casbah
FRANCK VILLARD : Quand une patrie vous traite comme elle nous traite, éh ben,y'a pas à insister... Y'a pas à s'attarder, ni à espérerdes jours meilleurs... Faut aller s'défendre hors des frontières...
UNE PENSIONNAIRE : Vous z'avez p't-êt' raison, M'sieur Marcel.
FRANCK VILLARD : Y'a pas d'peut-être !... C'est une certitude !... Hum... Tahiti.Tu connais ?... Hum... Les palmiers... Le lagon... Tra-ou-la-ou-la... Ah, dis donc,mais une mignonne comme toi, là-bas, mais c'est la ruine du micheton !...Et attention !... Quand j'dis micheton, faut s'entendre !... Rien qu'de l'atomisteet du haut fonctionnaire !... Tiens, un pronostic... On s'barre tous les deux, hum...T'amènes Clara, ta pote, puisque t'as l'air de pas pouvoir t'en séparer...Éh ben, dans deux piges, t'es taulière et elle sous-maq' !... C'estpas un programme chatoyant ? Hein ?
BERNARD BLIER : Tu l'entends rouler !
FRANCK VILLARD : Les Tuhamotu !...Ça vaut pas la Rue Godot, comme avenir ?
DOMINIQUE DAVRAY : Comment est-ce que tu l'appelles, ton bled féerique, Marcel?... Répète un peu, pour voir ?... Si c'est aussi chouette que tu l'dis,j'devrais p't-êt' reprendre du service !
FRANCK VILLARD : Oh, excuse, Gravosse... Je m'faisais du sous-titre... Allez, pardonnez-moi,les gosses... Je... j'extrapolais dans la fiction rose... J'me prolongeais...
Dans le hall du chabanais
BERNARD BLIER : Ben, messieurs, tout ça, c'est du passé ! De l'imagerieancienne !... La joie n'est p'us d'ce monde !... La maison est fermée, etj'doute que vous en trouviez une d'ouverte !
JACQUES LEGRAS : Ah, mais alors ?... À quoi ça va servir, maintenant,le Salon de l'Auto ?
BERNARD BLIER : Ben, faudra l'faire à Abidjan !... Ou à Hong Kong !...Parce que c'est là-bas qu'le touriste ira porter ses devises, maintenant !...Et encore, ch'parle du connaisseur !... De l'homme de goût !... Parce que levacancier style “ plein air ”, le genre romano, alors-là, on facilite, hein!... On flatte tous ses vices !... La pêche sous-marine, les châteauxd'sable, Honolulu à La Varennes, toutes les conneries, quoi !... Au pays d'Descartes!... J'vous laisse juge !...
À la barre du Tribunal
BERNARD BLIER : J'aurais pas du venir... J'm'engourais qu'on allait encore évoquerdes tristesses... Ben, la lanterne d'accord, j'l'ai donnée à Lucette...J'm'excuse, M'sieur l'Président, j'veux dire à Madame la Baronne...Et ça, je l'regrette pas parce que personne la méritait plus qu'elle!... Mais... Vous décrire les circonstances, M'sieur l'Président, ça,c'est... c'est revivre tout l'calvaire...
L'ASSESSEUR : Il était dans la résistance ?
PIERRE BERTIN : Alors ?!...
BERNARD BLIER : Vingt-cinq années d'labeur, M'sieur l'Président !...De jour, comme de nuit !... Entre quatre murs, comme à la trappe !... Toujourssur la brèche... Et l'œil à tout !... L'espérance d'une vieillessetranquille... Et puis, tout d'un coup... Le trait de plume !... Le décretscélérat qui abolit la propriété !... Et une fois àla rue, qu'est-ce qu'y devient le pauvre homme, hein ?... Une proie !... Tous lescannibales qui lui secouent son carbure... Ah, entre les chacals de la Bourse, lesvautours de l'immobilier et les requins du placement industriel, c'est le grand régal!... Elles ont beau spiel, les éconocroques ! Vous voyez d'ici l'carnage,M'sieur l'Président !... L'homme à terre, piétiné, qu'onachève... Et encore... L'homme est taillé pour la lutte... Mais lapauvre femme !... Hein ?... La pauvre femme !... La mienne, c'est bien simple, elles'est mise à s'momifier, M'sieur le Président !... À s'momifier! Jour après jour... Un chagrin pire qu'un cancer...
UNE EX-PENSIONNAIRE : Madame se meurt ?
BERNARD BLIER : Madame est morte !
TOUTES : Oooooh !
PIERRE BERTIN : Ils ont de la culture...
BERNARD BLIER : Tenez ! Madame est morte !... Vous qui l'avez connue les filles,vous pouvez dire si c'était pas une méritante !... Y m'l'ont butée,ma P'tite Reine...
Cuisiné par le baveux
DARRY COWL : Labergerie...
BERNARD BLIER : Monsieur Labergerie !... C'est pas moi qui suis dans l'box, c'estvotre client !
DARRY COWL : Monsieur Labergerie, pouvez-vous nous dire en quelle circonstance vousavez connu la plaignante et surtout, étant donné l'admiration que vouslui portez et que vous avez exprimée tout à l'heure avec beaucoup despontanéité, quelle a été la nature exacte de vos...euh... relations ?... Ah-ah-ah !... Y chancelle...
BERNARD BLIER : Je peux lui répondre ?
PIERRE BERTIN : Mais... je ne saurais trop vous le recommander !
BERNARD BLIER : J'ai toujours, Maître, préconisé l'respect etexigé les bonnes façons, ah... Alors, j'avertis !... Vous bonnissezencore une seule médisance sur une dame et moi, j'vous fait une têteà la décarrade ! Et vous allez comprendre que Charles-l'Élégant,faut encore se l'farcir !
Témoignage de Madame la Baronne, la plaignante
ANDREA PARISY : Ch'peux pas l'reconnaître, j'l'ai jamais vu !
PIERRE BERTIN : Comment, comment, comment ?!... Vous appelez en témoignageun personnage que vous ne connaissez pas ?
ANDREA PARISY : Holà, pardon !... M'sieur Marcel, il a une réputation! C'est l'homme de légende !...
PIERRE BERTIN : Ah, oui ? Vraiment ?
ANDREA PARISY : Sa maison d'Toulon, “ Le Grand Huit ”, vous n'avez pas connu ?
PIERRE BERTIN : Ah, non. Je regrette. C'était bien ?
ANDREA PARISY : Exemplaire !... Mobilier de style... Avec souvent la piècerare... C'est simple, on v'nait visiter son salon du bout du monde, m'sieur l'Président! D'Australie ! D'Nouvelle-Zélande !... Même de Reims, où y z'avaientpourtant l'“ Palais Oriental ” !
BERNARD BLIER : Un joyau, monsieur l'Président !... Avec un parc àla française, un théâtre de verdure... Une copie Trianon, quoi...
Tentative d'interpellation sur le trottoir
LOUIS DE FUNES : Vous n'avez même pas pu rentrer dans la Douane !... Mêmepas dans la Douane ! Ça c'est une performance !... Alors, Mademoiselle estavec moi ! Ça suffit ! Allez !
ALBERT REMY : Bon, ben, j'm'excuse, Monsieur Haudepin... Bonne nuit, ha-ha !
LOUIS DE FUNES : Qu'est-ce que ?... Mais qu'est-ce que ça veut dire ce “ bonnenuit ” ?... Venez ici vous ! Venez ici !... Passeriez-vous du discourtois au salace?
ALBERT REMY : Au sale quoi ?
Cosette au dessert, dans la salle à manger de Haudepin
MIREILLE DARC : Papa buvait... Maman buvait... Y s'tabassaient terrible... La maisonétait un enfer, vous n'pouvez pas savoir c'que c'est...
LOUIS DE FUNES : J'ai lu Zola...
MIREILLE DARC : En quarante-trois, Papa a été fusillé par lesAllemands...
LOUIS DE FUNES : Aaah...
MIREILLE DARC : Il avait déserté d'la L.V.F....
LOUIS DE FUNES : Ah, oui, c'est...
MIREILLE DARC : En quarante-cinq, Maman a été tondue et jetéeen prison... Je m'suis retrouvée seule pour élever mes trois p'titsfrères... J'avais douze ans et j'ai commencé à connaîtreles hommes...
LOUIS DE FUNES : Oh-la-la-la-la-la-la...
MIREILLE DARC : Je n'sais pas si votre Monsieur Zola parle de ça...
LOUIS DE FUNES : Lui, peu. Mais alors, Eugène Sue, énormément...Non, c'est... Non, mais, ça fait rien, continuez...
MIREILLE DARC : Une aventure malheureuse... Un grand amour déçu...La poupée qu'on jette... Puis la pente fatale... La noce, quoi... J'ai unpeu improvisé jusqu'au jour où j'ai rencontré Marcelo... Ah,lui, c'était un perfectionniste, y m'a fait faire mes classes... Le “ PalaisOriental ” à Brest, le “ Panier Fleuri ” à Toulon, le Topol d'abord,puis la Madeleine... Si j'avais la santé, à l'heure qu'il est, ch'raisp't-êt' aux Champs-Élysées !... Mais un soir qu'il neigeait etqu'ch'faisais des grâces devant la Brasserie Weber...
LOUIS DE FUNES : Oui, attendez... Un jeune homme est sorti... Il vous a glisséune boule de neige dans l'dos... Et vous avez attrapé une fluxion de poitrine...
MIREILLE DARC : Comment vous l'savez ?
LOUIS DE FUNES : Victor Hugo !
LA METAMORPHOSE DES CLOPORTES - PIERRE GRANIER-DEFERRE(1965)
Dans la planque de Gertrude
FRANÇOISE ROSAY : Je récapitule. Les deux bouteilles garnies, le détendeuret vingt mètres de tuyaux pour trois cents tickets... Moyennant quoi, je garantietrois heures de boulot à trois mille degrés.
GEORGES GERET : Tu récapitules, tu garanties, t'es un peu chouette !... Primo,un homme de ma classe n'a jamais eu besoin d'trois heures pour déboucler uncoffiot ! Deuxio, vu le monstre auquel je m'attaque, trois mille degrés, c'està peine tiède !... Ah, je n'te cache pas qu'j'espérais trouver,chez toi, autre chose que d'la quincaille !
FRANÇOISE ROSAY : T'espérais quoi ?!... Arsène Lupin en douzevolumes ?!... Le Rayon Vert ?!... La baguette magique ?!
GEORGES GERET : Le nouveau bec à azote gazifié...
FRANÇOISE ROSAY : ... C'est p't-êt' de ça, qu'monsieur veut causer!
GEORGES GERET : Oh, merde !
FRANÇOISE ROSAY : Heureuse de t'l'entendre dire !... Mais ça, c'estpas l'outil d'n'importe qui pour le prix d'n'importe quoi !... Ça, c'est unebrique !... Et sans l'carburant !
GEORGES GERET : Oh, merde, alors !
FRANÇOISE ROSAY : Tu t'répètes un peu !
GEORGES GERET : Comprends-moi bien, Gertrude... Si j'avais débuté dansla vie avec du matériel pareil, Onassis et moi, on causerait d'puissance àpuissance !... Malheureusement, j'débute pas ! Ch'rais même plutôtsur le point d'raccrocher...
FRANÇOISE ROSAY : C'est drôle, j'm'étais laissée direque c'était fait... Qu't'avais tourné hareng, qu'tu vivais des dames...Ça va pas comme tu veux ?
GEORGES GERET : Disons qu'je fais un tour d'honneur !
FRANÇOISE ROSAY : Qu'est-ce que c'est, ta folerie ?
GEORGES GERET : Un Winter-Winter cinquante trois !
FRANÇOISE ROSAY : Tu crains pas d'viser un peu haut ?
GEORGES GERET : Un Winter-Winter bourré à craquer ! Et des branquestellement confiants qu'y z'ont supprimé l'système d'alarme !
FRANÇOISE ROSAY : Ho-ho... D'la provocation !... Mais achtung, môme!... Le Winter-Winter, c'est du spécial !... Molybdène et titane !...L'alliage infernal !... La diablerie !
À la case d'Alphonse
LINO VENTURA : Écoute, Edmond, ch't'aime bien, mais quand tu t'imagines quel'Rouquemoute va débrider un Winter-Winter, alors-là, permets-moi d'tedire que tu déconnes à gros bouillons !... Ton môme Arthur, ch'préfèremême pas en parler, ça m'foutrait d'l'urticaire !
CHARLES AZNAVOUR : Ch'te dis qu'le coup est catalogué !... V'là desmois qu'on l'mijote ! Y'a p'us qu'à pousser !
LINO VENTURA : C'est ça !... Éh ben, poussez sans moi !... Dis donc,maintenant qu'c'est oublié, tu peux m'le dire... Ça s'jouait sur combien,votre singerie ?
Traversant la rue, gambergeant
LINO VENTURA : Seulement avec le Rouquemoute à la barre et l'Arthur commeserre-frein, les cents briques, on est pas prêt d'les voir !
De retour à son bocal, gambergeant toujours
LINO VENTURA : D'un autre côté, faut voir les choses... Dès qu'onaime le confort, c'est fou c'que l'oseille peut filer vite... Le tailleur, le loyer,les brèmes... On est entouré d'voleurs !... Et ch'compte pas les dames...Si ch'continue à les enjamber au Claridge et à les goinfrer chez Lasserre...
Devant une croûte, dans la guitoune d'Alphonse
LINO VENTURA : Ah, y'm'plaisait !... Oh, puis la bavouille, faudrait pas vendre...Avec la dégoulinante boursière, les forces frappeuses et la furie congolaise,ça prend d'la valeur tous les jours...
CHARLES AZNAVOUR : Tu vas en tirer combien, tu crois ?
LINO VENTURA : Oh, trois-quat' briques, il en vaut dix... Tonton donne toujours lamoitié, mais comme ch'uis pressé, ben, y donnera l'tiers.
CHARLES AZNAVOUR : Tu veux qu'j'aille lui parler dans l'nez, à c'pédoque?
LINO VENTURA : Ah, non, toi, tu vas rester ici !... Tonton, c'est un timide et lesnouvelles têtes, ça... ça l'noue !
À la crèche d'Arthur
LINO VENTURA : C'est pourtant vrai qu't'as évolué !... T'es devenuintrépide... Moi aussi, j'ai changé...
MAURICE BIRAUD : Éh ben, ça s'remarque pas !
LINO VENTURA : Ch'uis d'venu irrascible !...
(Mornifle...)
... J'ai dérouillé d'quatre briques et morflé d'cinq ans dansvos farces et attrapes !
Dans le gourbi du Rouquemoute
PIERRE BRASSEUR : Y réclame des comptes, ce salaud !... Mais pas devant l'jugede paix !... Moi, j'm'en tire avec un peu d'monnaie, enfin, des miettes, mais toi,s'y t'entreprend, t'auras plus qu'à rembiner avec Léone ou vendre deslacets dans la rue...
GEORGES GERET : Oui. Ben, dis pas des choses comme ça. Depuis qu'j'ai un peud'pognon, faudrait m'payer pour faire le mac !
QUAND PASSENT LES FAISANS - ÉDOUARD MOLINARO (1965)
Au clapier de Hyacinthe
CLAIRE MAURIER : Éh, heureusement qu'Monsieur Barnard est passé...Tu m'avais laissée sans un sou... Tu lui dois soixante mille francs...
BERNARD BLIER : Ah, oui ? Et d'quoi ?
CLAIRE MAURIER : Ça...
BERNARD BLIER : Qu'est-ce que c'est ?
CLAIRE MAURIER : Ben, c'est notre luminaire...
BERNARD BLIER : Ça, un luminaire ? Et une lanterne de fiacre, qu'est-ce quec'est, pauvre andouille !?!!!
DANIEL CECCALDI : Camus ?
BERNARD BLIER : Mais qu'est-ce que vous voulez, ch'peux pas supporter la bétise,c'est plus fort que moi, ça m'révulse... Que t'envisages d'accrocherça dans notre gentilhommière, c'est déjà joli ! Maisl'plus beau, c'est qu'tu laisses escroquer Monsieur l'Directeur !!! Là, tupeux êt' fière !!!...
DANIEL CECCALDI : Ah, pas d'confusion, mon ami. C'est vous qui êtes z'escroqué.
BERNARD BLIER : Parce que vous croyez qu'ça arrange les choses !?!... Et peut-onsavoir qui a livré ça ? Qui a osé ?
CLAIRE MAURIER : Un p'tit bonhomme... à l'air triste... tu as du le croiser...
BERNARD BLIER : Oh, nom de Dieu, l'voyou... Oh, j'me disais bien qu'l'avais déjàvu... Ah, l'escarpe...
Dans le hall du claque de Baudu
BERNARD BLIER : Et vous avez des enfants !...
JEAN LEFEBVRE : Vous n'le saviez pas ?!... Vous n'savez p't-êt' pas qu'lesenfants de voleur mangent comme les autres ?!... Plutôt plus...
BERNARD BLIER : Vous n'allez pas m'dire que vos p'tits boulimiques ont bouffépour soixante mille balles depuis hier, non !?!!
JEAN LEFEBVRE : Non.
BERNARD BLIER : Ah, bon !
JEAN LEFEBVRE : Mais... j'ai réglé les fournitures scolaires, les loyersen retard... et l'boucher. J'ai même pas eu assez pour payer l'gaz...
BERNARD BLIER : Vous êtes vraiment le rongeur malfaisant, le termite de démonstration!!!
Dans le salon de Baudu
JEAN LEFEBVRE : J'ai p't-êt' un p'tit planning à vous proposer... Latête et les jambes !... C'est ça, ma formule... Moi, ch'uis un vraipur-sang, un race(u)r ! Oh, de là, ch'uis un peu faiblard. Mais, bien drivé,ch'connaitrais pas mes limites, hein !... À nous deux, M'sieur Hyacinthe,on ravagerait l'épargne...
BERNARD BLIER : Baudu, vous m'faites peur...
JEAN LEFEBVRE : On ravagerait l'épargne !
BERNARD BLIER : Vous m'faites toucher du doigt une vérité bien déprimante.La poursuite du crime ne paye pas. V'là vingt ans que j'végète.Mais ça va changer ! Je romps les amarres ! Je brise les chaînes ! Ha...Les honnêtes gens ont prouvé leur ingratitude, tant pis pour eux...Ils ont libéré le Génie du Mal. Une intelligence au servicedu crime... Y vont la sentir passée !!!
Conclusion du conseil de guerre Hyacinthe - Arsène
BERNARD BLIER : Arsène !!! Arsène !... Le signe que j'attendais, lefeu vert, les forces occultes sont avec nous... Ça va faire mal... Chèrepetite Madame, si vous voulez me confier la masse de manœuvre, c'est du mille contreun affiché !
Dans le bureau
BERNARD BLIER : Oui, mais alors... quoi vendre ?
PAUL MEURISSE : Éééh, voilà... Il y a seulement cinqminutes, je vous aurais dit du terrain mais... voyez-vous, un homme d'expériencene devrait jamais s'égarer dans le concret. Il est cent fois plus facile demorceler le cosmos à l'usage des claustrophobes que vendre du terrain àBarbizon... L'abstrait, messieurs ! L'abstrait reste l'âme des affaires. Jen'ai vendu que ça pendant vingt ans. Un palmarès de légende,des références... inattaquables... Mis à part le Traitéd'Versailles, toute l'encyclopédie de la fiction marloupine sort d'ici !...Les mines de Phoscao d'Oubangui, le parking géant des Galapagos, le métrode la Cordillière des Andes, toute la lyre, quoi !
BERNARD BLIER : Évidemment à côté d'ça, nos p'titesbreloques...
PAUL MEURISSE : Mmmh, cette médaille est un porte-bonheur, messieurs, puisqu'ellevous a mené jusqu'à moi. Car avec moi, messieurs, vous allez apprendrele métier !
(Barouf dans le burlingue de la secrétaire...)
UN DES PIGEONS : (À travers la lourde...) Ça suffit, hein ! annoncez-nousà votre patron ! Le voyou est là, nous l'savons !...
PAUL MEURISSE : Mmmh, je vais vous faire accéder aux spéculations supérieures,aux envoûtements aurifères, à la poésie des chiffres...Bagages !...
UN AUTRE PIGEON : (Toujours du bureau de la frangine...) Ouvrez, ça va vouscoûtez très cher ! Qu'est-ce que vous attendez ? Qu'on enfonce la porte?!
JEAN LEFEBVRE : Vous pourriez p't-êt' les calmer ?
BERNARD BLIER : Je sais pas, leur dire un p'tit mot gentil ?
PAUL MEURISSE : Non. Je préfère vous donner votre première leçon...Dans les Bérézina, pas de bassesse, pas de compromis... Le mépris...
Au grelot
PAUL MEURISSE : Biedermann, vous êtes mon Vergennes ! Mon Talleyrand ! Noustouchons z'au but. Nous vivons z'un moment d'Histoire. Les Soviets tiennent les promessesdes Tsars !
Dans la gare désaffectée
CLAIRE MAURIER : C'matin encore, tu m'as dit “ tout baigne dans l'huile ”...
BERNARD BLIER : Aaaaah, beeen, éh, c'est... c'est d'la dialectique !... Çaveut dire qu'en principe... c'est dans la fouille... M'enfin y peut toujours y'avoirune gourette en final... Et ça... tous les experts te l'diront...
Sur les marches du Palais de la rouleuse
PAUL MEURISSE : Petits misérables...
JEAN LEFEBVRE : Y va tout d'même pas nous engueuler... Y va pas oser, non ?!
PAUL MEURISSE : Vous avez raison, pourquoi m'indignerais-je ?... Tout c'làest fatal... Un homme de ma qualité ne s'acoquine pas impunément avecdes... claquedents... J'ai voulu vous hisser vers la grandeur, vous m'avez entraînerdans votre cloaque. Je n'vous en veux pas, les hommes sont ce qu'ils sont... Pointd'amertume... Adieu. Je vais z'essayer de vous oublier.
JEAN LEFEBVRE : Nous, on aura du mal.
BERNARD BLIER : Mais des empaquetés comme vous, ça court pas les rues!!!
PAUL MEURISSE : L'injure ! Pfffff... Y n'manquait plus qu'ça... Merci, messieurs...
BERNARD BLIER : Ah, non ! Un peu court, jeune homme ! Des explications !
JEAN LEFEBVRE : Oui ! Milady était soi-disant tordue d'votre tronche. Folled'amour ! On croyait qu'vous l'aviez à votre pogne !
PAUL MEURISSE : Je l'croyais aussi... Alors-là, voyez-vous, messieurs, c'estle fatum, l'impondérable, la sorcière aux dents vertes... Hummm...Dans la vie, quand l'injustice s'abat sur un homme...
UN IDIOT A PARIS - SERGE KORBER (1966)
Au bistrot
MICHELINE LUCCIONI : Ah, La Fleur, tu m'convulses !... Tu penses quand mêmepas à quitter l'métier ! Une courageuse comme toi ! Que ch'cite enexemple tout l'temps !
DANY CAREL : C'est l'métier qui nous fait la paire, ma pauvre Lucienne !...Dévoré tout rond par la télé !...
MICHELINE LUCCIONI : Elle fait tant d'tort que ça, tu crois, la télé?
DANY CAREL : Du tort ?... Mais l'homme de maintenant, dès qu'y sort d'sonbureau, c'est pour foncer devant son poste !... Pis tout l'intéresse, ce con!... Tiens, pendant l'Tournoi des Cinq Nations-là, comme y z'appellent...tu vois encore un client, l'samedi soir, dans la rue ?... Pis quand c'est pas l'rugby,c'est l'vélo !... Quand c'est pas l'vélo, c'est Longchamp !... Ah,non, hein, l'micheton d'aujourd'hui, c'est p'us avec nous autres qu'y s'envoie enl'air, c'est avec Couderc, Chapatte et Zitrone !...
Meeting des Forts-des-Halles
BERNARD BLIER : Monsieur Graffouillères, vous êtes z'un meneur !...Une grève-surprise ? Bravo... Trente tonnes de barbaque sur le carreau alorsqu'on crève de faim à Chandernagor ? Hourra... Monsieur Graffouillères,vous êtes z'un meneur et vos p'tits camarades des inconscients !... Vous semblezoublier, en effet, mes amis, que vous n'êtes que des salariés, c'est-à-direles êtres les plus vulnérables du monde capitaliste !... Des chômeursen puissance !... Le chômage... Hum !... Le chômage et son cortègede misères... Y avez-vous pensé ?... Finie, la p'tite auto... Finies,les vacances au Crotoy... Fini, l'Tiercé... C'est pourquoi, mes amis, si vousavez des revendications d'salaire à formuler, vous m'adressez une note écriteet j'la fous au panier et on n'en parle plus, nous sommes bien d'accord ?
Dans le burlinguede Dessertine
BERNARD BLIER : Tu vois, je suis parti de rien... Aujourd'hui, on m'appelle l'Empereurde la Viande... On m'craint et on a raison... Tu peux pas savoir c'que j'leur enfais baver... J'les mène au knout... Tous... Parce que tu comprends, y'a nous,les P'tits d'l'Assistance, pis y'a les autres, les inutiles, les surnuméraires...Entre eux et nous, pas d'quartier, c'est la Guerre Sainte... Faudra qu'ças'termine dans un bain d'sang...
En conclusion
BERNARD BLIER : Allez, va, mon P'tit... Et n'oublie pas, hein... Si tu es dans l'ennui,tu reviens aux Halles et tu m'demandes... Parce que moi, les tourmenteurs d'Anciens,j'les étrille, j'les tisonne, j'les émascule... J'leur réduisla tête...
Dans le tacos
ANDRE POUSSE : Ça commence bien, les fous sont lâchés !... J'vaisvous dire un truc, moi ! Si j'étais les Poulets... Les vioques, les infirmes,tous les mecs nases... À la poubelle !... Enfin, p'us d'permis, quoi !...Et çui-là, il est pas beau ?!... Deutschland, ça m'étonnepas... Je vais vous dire autre chose... C'qui congestionne, c'est l'surplace... Lemec qui roule vite, même si y repasse un connard de temps en temps, c'est pasgrave... Ça dégage... T'avance, toi, pédé !... Nederland,ça m'étonne pas... C'est pas un crime de voir ça ?... Et l'autre-là...À quoi qu'y pense... Affole-toi, éh, Viande-à-Pneu ! Peigne-moumoute!... Voyez-vous, Monsieur, dès qu'on prend le volant, on est entouréque d'saloperies...
Au Commissariat de Police :
BERNARD BLIER : Cet individu s'appelle Monsieur Goubi !... C't un garçon remarquable!... Les Blousons Noirs prolifèrent, les assassins pullulent, Paris devientla capitale du crime, mais qui emprisonne-t-on ? Les Assistés !... Vous !Un ancien Chasseur-Alpin ! Un ancien Diable Bleu !... J'vous chasse de ma mémoire,Monsieur Pingeon...
Au troquet avec Lucienne
DANY CAREL : Alors, écoute-moi bien... Après cinquante piges, c'estla chute en piqué... Et dans notre boulot, hein, y'a pas d'Maison d'Retraite...Tu les as déjà vues, les grand-mères de l'amour, accrocher lesclodos à la Place Maubert ?... Et après... Après... Ben, après,y'a l'hôpital, les P'tites Sœurs des Pauvres... et la boîte àdominos...
De retour chez Dessertine
BERNARD BLIER : Si ch'comprends bien, tu viens me demander l'autorisation d'épouserLa Fleur... Juliette... Excuse-moi... Tu m'aurais annoncé une vierge estampillée,une rosière de compétition, je t'aurais dit “ Goubi, attention ! ”...Mais là, connaissant l'sujet, je te dis “ Mon fils, marie-toi. ”... Découragéespar la vie chère... et dévalorisées par la pilule, la vertuet la fidélité ne se rencontrent plus que chez les transfuges du trottoir!... Ces femmes-là n'ambitionnent plus qu'une seule position sociale, ayantépuisé toutes les autres !... Marie-toi, tu n'seras jamais cocu !...
Conclusion
BERNARD BLIER : La Maison, Goubi, souviens-toi qu'il n'y'en a qu'une ! L'A.P. !...J'ai eu deux garçons... J'les ai mis tout bébés à l'AssistancePublique... C'est l'meilleur collège de France ! Notre Oxford ! Notre Harvard!... J'les ai récupérés à dix-huit ans, admirablementformés pour les luttes de la vie... Maintenant, c'est tout l'portrait d'leurpère, cent pour cent cannibale !... Ah, quel dommage que ta future ne soitpas d'chez nous... C'est la seule fausse note...
Digression de Patouilloux, le Maire du bled
ROBERT DALBAN : Je suis ancien combattant, militant socialiste et bistrot... C'estdire si, dans ma vie, j'en ai entendu, des conneries !
NE NOUS FACHONS PAS - GEORGES LAUTNER (1966)
Dans une pharmacie
SERGE SAUVION : Il n'en est pas moins vrai, Monsieur Beretto, que c'est la troisièmefois cette année... et la dernière, j'espère... que vous êtespoursuivi pour coups et blessures !
LINO VENTURA : À qui la faute, M'sieur l'Commissaire ? Hein ?!... Moi, j'roulaistranquillement, doucement, à ma droite... Et c'est monsieur qui brûleun stop et qui m'emplâtre !... Bon. Je souligne poliment l'infraction... Jesouris... Quand cet espèce de possédé commence à m'direun tas d'gros mots qu'j'ose même pas vous répéter, M'sieur l'Commissaire!... Bon, euh... j'ai p't-êt' eu tort de le tirer par la cravate à l'intérieurde ma décapotable... mais c'est tout, M'sieur l'Commissaire !
SERGE SAUVION : Et c'est ainsi que vous lui avez fendu le cuir chevelu et ouvertl'arcade sourcilière.
LINO VENTURA : Ah, ça, oui... J'avais changé de voiture et... j'aioublié qu'elle était pas décapotable... Voilà.
SERGE SAUVION : Voilà... Et, dites-moi, les deux autres ?... Les témoins?
LINO VENTURA : Mais y m'ont traité d'brute, M'sieur l'Commissaire !
Dans la boutique d'Antoine
LINO VENTURA : Y'a cinq ans, quand j'ai décroché, ch'croyais qu'onavait passé des accords !... J'devais p'us revoir personne !...
ANDRE POUSSE : On a les poulets dans les reins, Tonio !
LINO VENTURA : Pas Tonio ! Antoine !... Maintenant, on m'appelle Antoine !... Oubien M'sieur Beretto !
ANDRE POUSSE : Tu crois qu'ça change quelque chose au problème desPoulets ?
MICK BESSON : Faut qu'on s'trisse, Antoine... Et plutôt vite !
LINO VENTURA : On peut s'planquer à Gènes... Là-bas, on a desamis... Mais faut y aller !... Et sans faux-papiers, on a peu d'chance... Avec lemandat qu'on a aux miches, pas question d'passer la frontière ! Ou alors àcoups de flingues !... Et on s'en ressent pas !...
MICK BESSON : La Brigade Anti-Gangs, c'est pas des charlots !... Y tirent àvue... Des jeunots exaltés... Des sanguinaires...
Dans le burlingue de l'estanco
LINO VENTURA : Tu va sortir le “ Palermo ” et faire le plein. Tu emmènes cesdeux messieurs à Porto Fino.
UN EMPLOYE : J'les ramène quand ?
LINO VENTURA : Jamais !... Gisèle !... Saute dans la Fiat et file àla banque, tu vas m'tirer un chèque de quatre millions su'l'compte-société...
LA COMPTABLE : Qui c'est, ces types ?
LINO VENTURA : Des représentants...
LA COMPTABLE : En quoi ?
LINO VENTURA : En souvenirs !
De retour dans l'entrée
ANDRE POUSSE : Tu sais, Antoine, on voudrait pas t'berlurer. C'pognon-là,on pourra p't-êt' jamais t'le rendre !
LINO VENTURA : Sans blague ?
ANDRE POUSSE : Mais on a une créance à Cagnes !... Une certain Michalon...Un p'tit repasseur... Un malfaisant... Y nous a repassé de quatre briques...Un gagnant à quarante contre un qu'il a oublié d'nous cigler...
LINO VENTURA : Vous vieillissez les gars !
MICK BESSON : Tu penses bien qu'on s'est pointé ! “ Turf Hôtel ” àCagnes !... Il avait déménagé... À Cagnes, y'a cent cinquantehôtels... À Nice, six cents !... Alors, vu qu'on est un peu pressé...
LINO VENTURA : Tandis que moi, j'ai l'temps !... Hum !
ANDRE POUSSE : C'est drôle comme t'es devenu... À t'entendre, on croiraitqu't'as jamais eu la Poulaille au train !
LINO VENTURA : Oui, vous avez raison... Après-demain, ch'pars à Monacopour affaires... Éh ben, au retour, j'm'arrêterai à Cagnes...Comment y s'appelle, votre fléau-là ?
Au bar du caboulot de Jeff
LINO VENTURA : Avoue quand même qu'on est des cas, non !... Vivre sur le cavependant plus d'quinze piges et virer bannière d'un seul coup !... Enfin !...Ah, pour c'qui est d'm'agrandir, t'affole pas, hein... C'est pas encore fait... J'vaisaller voir le gars d'Monaco et puis, ben... on verra bien !... D'toute façon,ch'rais d'retour pour l'heure de la graine.
MICHEL CONSTANTIN : Qu'est-ce que ch'te prépare ?
LINO VENTURA : Què'qu'chose de gentil... Sur ta terrasse, tiens... Avec tesp'tites loupiotes...
MICHEL CONSTANTIN : Ah, j'vois ! Tu seras deux !
LINO VENTURA : Oui.
MICHEL CONSTANTIN : Toujours ta fausse blonde ?... Éh, tu deviens routinier!
LINO VENTURA : Pourquoi ?... Elle est pas mignonne, Vicky ?... Toujours bien sapée...Bonne pince... Ch'téléphone, elle radine !... T'en connais beaucoupdes frangines comme ça, toi ?
MICHEL CONSTANTIN : Qui rabattent sur un coup d'téléphone ?... Ch'connaisqu'ça !... À l'œil, évidemment, c'est autre chose... Tchin !
LINO VENTURA : À la tienne !
MICHEL CONSTANTIN : Tu l'veux pour quelle heure, ton p'tit tête-à-tête?
LINO VENTURA : J'ui ai dit vers dix heures.
MICHEL CONSTANTIN : Bien, monsieur... Les homards seront là... L'Champ' seraau frais... J'espère que tu nous fera pas un p'tit scandale comme l'autrefois !
LINO VENTURA : Quel scandale ?... Ch'uis pas l'client autoritaire, moi ! Quand c'estbon, j'dis jamais rien !
MICHEL CONSTANTIN : Oui, mais... avec toi... c'est jamais bon !
LINO VENTURA : Ah, ça !... Ah, dis donc... Toi qu'es du coin et qui connaistout... Tu peux pas m'refiler l'adresse d'un... Léonard Michalon ?
MICHEL CONSTANTIN : Y t'dois d'l'oseille ?
LINO VENTURA : Mais qu'est-ce qui t'fait dire ça ?
MICHEL CONSTANTIN : Il en doit à tout l'monde !... C'est l'Belphégordes Hippodromes, le Léonard !... V'là des années qu'y prenddu quarante contre un et qu'il étouffe la mise !
De retour au bistroquet pour la croque
MICHEL CONSTANTIN : Ah... On s'est occupé d'toi... On sait où il habite,ton p'tit turfiste... “ Pension Regency ”, une pouillerie au-dessus d'l'autoroute.
LINO VENTURA : Tu crois pas qu'j'ai l'temps d'y faire un saut maintenant ?
MICHEL CONSTANTIN : C'est pas qu't'as pas l'temps, c'est qu'tu vas t'dérangerpour rien !...
LINO VENTURA : Ah, parce que quatre briques, t'appelles ça rien, toi !...Éh ben !
MICHEL CONSTANTIN : T'aurais poussé quatre briques sur un gaille ? Toi ?
LINO VENTURA : Mais non... Pas moi... Des copains... Enfin, des amis à moi,quoi...
MICHEL CONSTANTIN : Oh, ben, dis-leur de p'us y penser !... Michalon, il a jamaisremboursé un raide à personne, c'est pas pour, tout d'un coup, s'affolerd'quatre briques !... J'vais t'dire autre chose, moi... Quand on a c'pognon-là,on crèche pas à la “ Pension Regency ” !... Enfin, si t'as décidéd'y aller, hein, vas-y !... Tiens. Prends ça.
(Il lui refile un flingue...)
LINO VENTURA : Non, mais, Jeff, ça va pas, dis ?!... Hein !... Mêmeles tirs forains, j'les évite !... Le dimanche, euch'fais un peu d'tir àl'arc et encore, crois-moi, c'est la limite, hein...
MICHEL CONSTANTIN : Ch'plaisante pas, Tonio... Michalon est un trembleur, une crêpe,un lavedu, comme tous les books... mais c'est un repasseur... Ch'connais la race,tu sais... On en a vu jouer les héros à l'idée d'rendre unethune !
Dans la Gordini
MICHEL CONSTANTIN : Cette question !... On les appelle les British parce qu'y sontbritish, c'est tout, quoi !... Y sont une douzaine de mecs... On sait pas c'qu'ymaquillent... Y z'ont loué une villa au Cap d'Antibes... Çui qu'a l'airdu taulier est venu becqueter deux-trois fois... Ses p'tits boy-friends l'appelait“ Colonel ”, genre... “ homme-du-monde ”... Mais en fait d'monde, ch'crois plutôtqu'y serait du notre !... J'veux dire l'ancien, quoi...
LINO VENTURA : L'ancien, l'ancien !... J'viens d'mettre un mec en l'air !... Maintenant,nous v'là en croque-morts !... Tu permets !... Y'aurait quand même commede la relance sur la gelée d'coing, non ?!... Mais aussi, s'tu m'avais pasfilé un flingue !!!
MICHEL CONSTANTIN : Éh ben, tu serais mort...
LINO VENTURA : Oui, t'as raison... En cinq ans, pas un mouvement d'humeur !... Pasune colère !... Même pas un mot plus haut qu'l'autre !... Et d'un seulcoup, crac !... La fausse note... La mouche dans l'lait... Ah, ch'te jure qu'çam'a secoué, hein !...
Conciliabule dans le salon de la gargote
LINO VENTURA : Non, écoutez, Colonel, vous allez rire... Hum-hum-hum... Enfin,j'veux dire, euh... vous allez comprendre... Votre petit jeune homme rentre par lafenêtre d'un seul coup ! Comme ça ! Avec son joujou dans les mains !...Ben, mettez-vous à ma place !... Éh ben, c'était lui ou moi,non !?... Ajoutez à ça la mauvaise humeur... Parce qu'attention, Colonel,hein, ch'uis pas meilleur qu'un autre, ça... j'vous l'accorde...
TOMMY DUGGAN : Effet de surprise... Instinct de conservation... Vous avez les statistiquespour vous... Je m'incline...
MICHEL CONSTANTIN : Éh ben, tu vois ! Dès qu'on parle plus àdes primaires... Tout devient lumineux...
JEAN LEFEBVRE : Et alors !!!... Est-ce que ça va finir ?!... Hein ?... Maisc'est Yalta qui recommence !... Vous arrangez vos bidons ! Vous épluchez vossalades !... Et les miennes ?... On dirait qu'elles n'existent pas, les miennes !...C'est pourtant moi qu'on voulait buter, non ?
TOMMY DUGGAN : On veut toujours.
JEAN LEFEBVRE : ... Quoi ?
TOMMY DUGGAN : C'est nécessaire.
LINO VENTURA : Colonel, euh... vous tirerez Monsieur tant qu'vous voudrez, mais pasavant seize mois... Ch'uis navré, mais M'sieur Michalon me doit d'l'argent...Et nous avons des paiements échelonnés...
MICHEL CONSTANTIN : Tu peux p't-êt' rapprocher les échéances!
JEAN LEFEBVRE : Mieux qu'ça !... J'rembourse d'un coup, pis on m'tue toutde suite !...
LINO VENTURA : Dis donc, c'est nouveau, ça !... Alors, comme ça, tupourrais casquer en une fois !
JEAN LEFEBVRE : Assassin !
LINO VENTURA : J'espère qu'le mot dépasse ta pensée, Léonard!... D'un autre côté... Faut bien dire que de l'flinguer comme ça,d'sang-froid... Sans être tout à fait d'l'assassinat, y'aurait quandmême comme un cousinage !... À moins !... J'dis bien à moinsqu'il ait fait des choses... Là...
Après le départ du Colonel
LINO VENTURA : Dis-moi, Léonard !... C'est quand même curieux, mais...on jurerait qu'y t'en veux !... Tu y'as fait quelque chose ?
JEAN LEFEBVRE : Mais j'en sais rien !... Il est fou !... Et c'est lui qu'vous croyez,bien sûr !... Moi, on n'me croit jamais, alors... J'ai toujours tort !... Moi,c't Anglais malade... j'l'ai jamais vu nulle part !... Jamais...
LINO VENTURA : Et mes deux potes que t'as repassé ? Tu les as jamais vus nonplus !?!
JEAN LEFEBVRE : Ah, ça !... Pour mon malheur... Au pesage à Cagnes...Oui, j'ai eu la faiblesse de leur donner un tuyau... Faudrait jamais s'occuper d'personne!... Jamais !... Seulement aujourd'hui, ma maman serait à Nanterre et ma p'titesœur en maison... Et à côté d'ça, Maman a son mandat tousles soirs et à ma p'tite sœur, j'y ai pris un commerce en Savoie... Àcause de ses bronches... Et j'vous parle pas d'mon frangin !
LINO VENTURA : C'est ça ! Parle pas d'ton frangin, ça vaut mieux, hein!
JEAN LEFEBVRE : Et pourtant, il existe, mon frangin !!!... Même qu'il a unemalformation... trois opérations en deux ans... Et qui est-ce qui casque ?!...C'est Léonard ! Léonard !... Maintenant c'pauvre Léonard, ilest entouré d'bandits !... On s'tue chez lui... On l'précipite sousles rafales anglaises... On vote sa mort au breakfeust... breakfast...
Accoudés à la paillote d'un camping
MICHEL CONSTANTIN : Quand même... Être obligés d'jouer les boy-scouts...Ch'parle pas pour l'autre nave... Mais des hommes de notre poids ?... T'avouerasquand même...
JEAN LEFEBVRE : L'autre nave sait parfaitement où aller dormir, lui... J'aiun p'tit palace personnel qui m'attend à vingt bornes d'ici... Ouais... ChezMadame Michalon !... Mon épouse légitime...
LINO VENTURA : Ah, parce qu'en plus, y'a... y'a une Madame Michalon ?
JEAN LEFEBVRE : Ouais... Et elle m'adore... Madame Michalon.
LINO VENTURA : Et où elle crèche, c'te Madame Michalon ?
JEAN LEFEBVRE : À Villeneuve-Loubet... Elle a une petit fermette, façonranch, avec des chevaux... Un cadeau que j'ui ai fait... Toujours princier avec lesdames... Michalon.
LINO VENTURA : Éh ben, on y va !
JEAN LEFEBVRE : Ouh-la, ouh-la, éh ! Pas si vite !... Ch'peux pas débarquercomme ça chez... chez Églantine...
LINO VENTURA : Églantine ?
JEAN LEFEBVRE : Oui. Églantine... Parce que... la dernière fois qu'ons'est vu, on a eu des p'tits mots...
LINO VENTURA : Ah, ben, elle t'adore ou elle t'adore pas ! Faudrait savoir !
JEAN LEFEBVRE : Oui, mais... ça n'empêche pas les p'tits mots... J'aip't-êt' été un... un p'tit peu dur avec elle... Faudrait que...que j'la r'mett' en condition... Pis si j'débarque comme ça, sans prévenir,en plus avec deux types douteux !... J'ai peur que...
LINO VENTURA : Léonard... Tu sais qu't'es vraiment une curiosité...Comment ! On vient d'y laisser notre commerce et notre santé, tu crois pasqu'tu pourrais quand même...
JEAN LEFEBVRE : Non ! Je peux pas m'abaisser devant une dame ! Ch'préfèrecamper ici !... Alors, campons... On campe, quoi...
LINO VENTURA : Moi, j'ai p'us d'force...
Dans le Palais d'Églantine
LINO VENTURA : Vous savez, on a toujours tendance à prendre les bruns trapuspour des gangsters mais... c'est un préjugé idiot, hein...
MIREILLE DARC : J'en connais un autre qui consiste à prendre les grandes blondespour des imbéciles !...
Plus avant, dans la canfouine
LINO VENTURA : Attention, hein !... J'dis pas qu'Michalon soit une conscience !...M'enfin... Les souvenirs, ça devrait compter... Vous avez quand mêmevécu avec lui, non ?
MIREILLE DARC : Trois jours... Et je n'tiens pas à c'qu'y'en ait un quatrième...
LINO VENTURA : Ouais... M'enfin, nous... Si on avait vingt-quatre heures de répit,ben... Ch'ais pas, moi, on pourrait essayer d'regrouper nos billes... De faire unplanning... Éh, c'est pas commode de méditer au milieu des coups d'flingues,croyez-moi ! Pis moi, ça m'disperse !... C'est pas beaucoup, vingt-quatreheures, hum ?
MIREILLE DARC : Avec Léonard, les heures comptent double !
Au matin, pour le p'tit déj'
MICHEL CONSTANTIN : Et tu voulais m'expliquer quoi ?... J'ai plutôt manquéd'blair, hein ?... J'venais à ta place... Mes hommages, Madame... Et ch'coupaisaux fourmis, au jus d'gland et à la conversation d'l'autre pomme !
Dans les champs
MIREILLE DARC : Vous l'connaissez depuis longtemps, Jeff ?
LINO VENTURA : Oui.
MIREILLE DARC : Je n'trouve pas qu'il ait une tête de restaurateur.
LINO VENTURA : C'est p't-êt' parce qu'il a p'us d'restaurant ?
MIREILLE DARC : Vous en avez tué beaucoup, des Anglais ?
LINO VENTURA : C'est Léonard qu'à cafter ?
MIREILLE DARC : Répondez-moi.
LINO VENTURA : Un seul... Et encore... Un tout p'tit !...
MIREILLE DARC : Vous n'avez pas honte ? Fort comme vous êtes ! Vous en prendreà des p'tits !
Sur le fairway, après l'explosion
LINO VENTURA : Ch'critique pas l'côté farce !... Mais pour le fair-play,y'aurait quand même à dire !...
Au grelot, à l'aéroport
LINO VENTURA : Qu'est-ce qu'y t'arrive ?... Et tu m'appelles d'où, d'abord!
JEAN LEFEBVRE : De l'aérodrome... Ch'uis en pleine béchamel !... Hierà Nice, euj'croyais avoir levé deux pécores siciliens... J'lesvoyais beaux comme des soleils... J'leur ai pris une brique à soixante contreun sur Patchouli !... Et c'boudin-là est arrivé !... J'vis un cauchemar...Y veulent m'empêcher d'prendre l'avion ! Y z'ont des rasoirs plein leurs poches!... Faut qu'vous veniez les raisonner... Vous m'devez bien ça... Pour unefois que j'vous demande un service... Vous allez pas m'laisser découper, M'sieurAntoine ?
LE PACHA - GEORGES LAUTNER (1968)
Dans l'Alpine, en rentrant de chez Boucheron
JEAN GABIN : C'est du cri d'se faire engueuler par un con pareil !... J'l'ai misen veilleuse parce que j'voulais pas envenimer les choses, mais tout d'même!... Ceci dit, les mecs capables de faire un coup comme ça, ch'te les comptesur les doigts d'la main !... Émile-le-Génois, Kodréanis, MarcelLurat, le Stéphanois, Vincent Angelotti... J'veux leurs emplois du temps,tu vas m'mettre tes gars là-dessus...
JEAN GAVEN : D'accord.
JEAN GABIN : Pis maintenant, parlons un peu d'Albert ! Qu'est-ce qu'y'a pris d'vousbalancer dans l'décor ?
JEAN GAVEN : Allez donc savoir...
JEAN GABIN : Hé, c'est qu'y faudra pourtant savoir !
JEAN GAVEN : Pour moi, il a eu la trouille.
JEAN GABIN : Meuh, la trouille, la trouille, la trouille ! J'aimerais mieux autrechose ! L'mauvais réflexe, peut-être, il a toujours conduit comme unbranque !... Mais l'traczir, de lui, ça m'surprend !
JEAN GAVEN : Ben, vous savez, euh... s'faire tirer au bazooka, ça surprendaussi !
Dans le burlingue du Commissaire Joss
ROBERT DALBAN : J'ai eu les jetons, c'est tout !
JEAN GABIN : T'as vu un hérisson sur la route ou quoi ?
ROBERT DALBAN : J'ai vu moi !... Moi et l'môme Marc !... Décapitéspar leur engin !... Parce que figure-toi que j'les connais, ces engins-là!... J'les ai dégustés en trente-neuf !... Et ch'peux même tedire où !
JEAN GABIN : Moi aussi, dans les Ardennes !... Ton char, tes Ardennes, ton replisur la Loire, ch'peux tout t'raconter !... Mais c'est pas la façon de conduireton char en trente-neuf que ch'critique, c'est ta façon de conduire ta charretteaujourd'hui !
ROBERT DALBAN : Ch'te dis qu'j'ai eu les jetons !... Peur !... J'ai eu peur, voilà!... C'est ça qu'tu voulais qu'je dise !... T'es content ?
JEAN GABIN : Oh, ch'pavoise pas !
ROBERT DALBAN : Oh, mais si ! Oh-la-la ! Y'a longtemps qu't'attendais ça !...Tous, d'ailleurs, vous attendiez ça, que j'me dégonfle un coup !...Depuis vingt ans qu'je fonce et qu'je prends du plomb dans la viande, on s'habituait!
JEAN GABIN : Allez, vas-y, va... Récite-moi tes vers d'intrépide, ch'connaispas !
ROBERT DALBAN : Quand on a cravaté Jo-les-Grands-Pieds, t'as fait un beaurapport, t'as toujours été fort en rédac' !... Mais tous lesdeux, on lui doit què'qu'chose, au Grands-Pieds ! Toi, d'l'avancement et moi,six mois d'hosto !... Mais c'matin, j'étais bon pour la médaille posthume,alors tu m'excuseras, j'ai quitté la piste...
JEAN GABIN : Ben, dis donc, ça t'a drôlement secoué, c't'obus!... Moi, jusqu'alors, ch't'avais vu t'dérober qu'une fois, dans la cour duPatronage... Tu t'souviens ? Quand le p'tit rouquin t'a demandé d'sortir etqu't'es pas sorti...
ROBERT DALBAN : C'te bonne blague, ch'sautais sa frangine !
JEAN GABIN : Ah, ben, tu vois, t'avais une raison... Alors t'en avais p't-êt'une autre, c'matin !
ROBERT DALBAN : Dis donc, Louis, tu crois pas qu'tu pousses un peu ?... Oùon va ?
JEAN GABIN : Ben, ch'te l'demande !
ROBERT DALBAN : Ah, ben, si c'est un interrogatoire, qu'est-ce que t'attends pourfaire monter des sandwiches et d'la bière ?!... À quoi tu penses ?
JEAN GABIN : Ch'pense que quand on mettra les cons sur orbite, t'as pas fini d'tourner!
Après l'interro, au Môme Marc
JEAN GABIN : Peuh !... Lancez sur qui, sur quoi ? On va encore draguer tout l'mitan,interroger dix ou vingt Peaux-Rouges qui nous fournirons des alibis d'première,confirmés par tous les charlots d'Pigalle, alors, heu... Mais tu vois, monp'tit gars, c'coup-ci, y z'ont tiré une balle de trop... Et pourtant, c'étaitun drôle de colis, Albert, crois-moi !... Comme copain d'enfance, c'étaitpas l'Grand Meaulnes, fallait s'le faire !... Il a jamais arrêté d'm'emmerder!... Il a pris son élan à la Communale !... Comme il avait honte deses galoches, fallait que j'lui prête mes pompes, y pétait une chaînede vélo, fallait que j'lui répare, pis après, ça étél'algèbre !... “ C'est du 'krit, j'y comprends rien ! ” qu'y disait... Alors,j'ai été obligé d'me farcir ses problèmes... Parce qu'ila toujours eu des problèmes, ce cave, t'entends ? Mais toujours, toujours!... Et d'pire en pire... Mais qu'est-ce que tu veux, c'tait mon pote...
Sentencieux, à un de ses adjoints
JEAN GABIN : Quand on tue un poulet, c'est fou c'qu'y'a comme parties d'poker quis'organisent chez les voyous !
Dans l'arrière-salle du rade du Coréen
JEAN GABIN : Alors ? Y'avait qui à c'poker ?
LE COREEN : Ben, moi... Le P'tit Jo-de-Nanterre... Euh...
JEAN GABIN : Dédé-le-Bol et Frédo-le-Mexicain ! Ça va,j'ai compris, arrête ton tir... Et maintenat, j'vais t'dire quelque chose...L'un d'nous deux bute l'autre... Toi, on t'raccourcit, moi, on m'félicite...Ch'ais bien qu'c'est injuste parce que c'est injuste... mais c'est comme ça...T'as contre toi quarante ans de bons et loyaux services et une vie exemplaire...Alors, choisis... (Mornifle...) Alors ? Y'avait qui à c'poker ?
Dans le bureau des Inspecteurs
JEAN GABIN : Bonsoir, Ernest.
FELIX MARTEN : Bonsoir, M'sieur l'Divisionnaire.
JEAN GABIN : Ben, dis donc, ça a pas l'air d'aller... Moi non plus, d'ailleurs...J'viens d'regarder ton dossier, c'est déprimant... Cinq piges pour l'affairede la Rue d'Douai, cinq piges pour l'encaisseur d'la Prévoyance, et cinq pigesde mieux pour la fusillade de Rungis... Et pis maintenant, v'là qu'tu cabossesun vigile pour piquer des fringues qu'appartiennent à l'État !... C'estpas raisonnable... Y'a qu'un truc que ch'comprends pas... Qu'est-ce qu'y vient faire,Brunet, là-dedans ?
FELIX MARTEN : Brunet ?
JEAN GABIN : Oui... Ben, t'as bien parlé d'lui !
FELIX MARTEN : J'l'ai p't-êt' mentionné, pour l'anecdote, euh... j'mesouviens... je ne me souviens pas...
JEAN GABIN : Oh, prends ton temps, réfléchis... À çaet à autre chose ! Parce qu'avec ton palmarès, t'es bon pour la Relég'!... Ben, pis, en sortant, mon gros père, ça sera Bicêtre...Note bien qu'tu pourras toujours raconter ta vie l'soir, sur un banc, aux p'titsvieux, m'enfin, tout d'même... Non, tu vois, moi, j'la vois pas jojo, ta find'vie...
FELIX MARTEN : Oh, merde ! Arrêtez un peu...
JEAN GABIN : Remarque que l'essentiel, c'est d'se conduire comme un homme... Partirla tête haute aux Assises, parce que après, on sait pas c'qui peut luiarriver...
FELIX MARTEN : J'voudrais vous parler, moi.
JEAN GABIN : Ben, on est là pour ça.
FELIX MARTEN : Oui, mais... d'homme à homme.
JEAN GABIN : Messieurs, si vous voulez nous laisser, Ernest a des pudeurs...
Au baltringue de la frangine
DANY CARREL : Le crétin chimiquement pur... Je m'demande où tu vasl'chercher ?
MAURICE GARREL : Trente-six Quai des Orfèvres. Je suis fidèle àmes fournisseurs.
Dans la piaule de Nathalie
JEAN GABIN : Éh ben, puisqu'on en est aux confidences de jeunesse, j'vaist'en faire une, de confidence... Le Albert, il a toujours eu la galipette maudite!... Dix fois, j'l'ai arraché à des volailles infernales !... Maisch'croyais tout d'même qu'à soixante carats, il avait écrasé,éh ben, j'm'étais gouré !... Et il a fallu qu'y rencontre unepetite salope comme toi pour lui mettre la tête dans l'sac !
Dans le gourbi psychédélique
DANY CARREL : Mais alors, pourquoi tu m'as monté cette singerie ?...
ANDRE POUSSE : Pour être sûr que tu viennes... J'ai des envies d'voyages...L'Océanie, Bora-Bora, les vahinés... Tu connais ?
DANY CARREL : Pourquoi ? Tu veux m'emmener ?
ANDRE POUSSE : On n'emmène pas des saucisses quand on va à Francfort.
DANY CARREL : Tu pourrais dire “ Une rose quand on va sur la Loire ”... Questiond'termes...
ANDRE POUSSE : Toujours z'est-il que j'lève l'ancre !... Mais j'ai pas l'habitudede partir avec la caisse... J'ai quatre-vingt briques de trop. Qu'est-ce que j'enfait ?...
DANY CARREL : Tu les as sur toi ?
ANDRE POUSSE : Dis donc pas d'conneries !... J'ai loué un pavillon àSaint-Germain. On y fait un saut. Ch'te casque et ch'file au soleil la consciencetranquille...
DANY CARREL : C'est la semaine de bonté, dis donc... Tu m'proposes quatre-vingtbriques... ben, moi, ch't'en propose vingt fois plus...
ANDRE POUSSE : C'est dommage de grandir. Quand j'étais p'tit, j'aimais bienles contes de fées...
DANY CARREL : C'est tout c'qu'y'a d'plus sérieux, Marcel... Avant votre affairede quincaillerie, Léon était sur coup... Un vrai, celui-là...Si ch'te proposais une affaire en or... Tout est réglé... Sauf queLéon est en cavale... Et moi, tu sais, hein... pour l'attaque de la diligence,j'ai pas l'poignet très résistant. Pour m'épauler, j'avais bienpensé à Émile...
ANDRE POUSSE : Quel Émile ? J'en connais des chiées, d'Émiles...
DANY CARREL : Le Génois.
ANDRE POUSSE : Le Génois, c'est que dalle.
DANY CARREL : Oui, c'est bien c'que j'me suis dit.
ANDRE POUSSE : T'es gentille d'avoir pensé à moi. Mais, vois-tu, j'vaisau charbon seulement quand ch'uis raide... Et pour l'instant, ch'cherche pas d'embauche...Avant qu'on reparle de choses sérieuses, comme ça, par curiosité...ça s'montait à combien ta p'tite folie ?
Rancard dans un parking obscur
JEAN GABIN : T'aurais pu au moins m'indiquer l'étage, j'viens d'm'en farcirtrois. Alors, j'espère qu'eul'prochain rancard, tu m'le fileras pas àla Tour Eiffel...
FELIX MARTEN : J'm'attendais pas des remerciements, mais tout d'même...
JEAN GABIN : Alors, ton Olympiade du hold-up, où t'en es ?...
FELIX MARTEN : J'vous l'ai déjà dit. Un fourgon postal. L'influenceanglaise, comme dans tout, quoi...
JEAN GABIN : D'ici qu'vous achetiez vos cagoules chez Old England, y'a pas loin...Et c'est pour quand ?
FELIX MARTEN : Le lundi dix-neuf... Le fric sera chargé en gare de Bâle...Le train s'arrête trois minutes en gare de Chaumont... Émile et sesboys, déguisés en postiers, montent dans l'fourgon... Le train redémarre...Et là, y mettent les vrais postiers en l'air, dont ch'fais partie, d'ailleurs...Deuxième arrêt, deux minutes en gare de Troyes... Le pognon déménage...Le train redémarre, mais Émile poursuit seul son voyage en voiture...et apporte le pognon à Brunet qui l'attend en Père Peinard àla sucrerie d'Boullay...C'que ch'fais pour vous, hein... J'eul'ferais pour personned'autre, hein !
JEAN GABIN : Dis donc, Ernest, entendons-nous bien, hein... T'as besoin d'moi, j'aibesoin d'toi, on traite... Mais un casseur doublé d'une donneuse, tu voudraistout d'même pas que ch't'embrasse... Hein ?
Dans le bureau du Dirlo de la PJ
JEAN GABIN : Oh, écoute, Paul, moi, l'mitan, j'en ai jusque-là !...Ça fait quarante ans que l'truand m'charrie... J'l'ai digéréà toutes les sauces et à toutes les modes... En costard bien tailléet en blouson noir... Ça tue, ça viole, mais ça fait rêverl'bourgeois et reluire les bonnes femmes, elles trouvent peut-être çaromantique, mais moi pas !... Alors, j'ai pris une décision... Moi, les Peaux-Rouges,j'vais p'us les envoyer devant les jurés d'la Seine, comme ça, y'aurap'us d'non-lieux, ni d'remise de peine... J'vais organiser la Saint-Barthélémydu mitan... Tu m'as compris ?
LOUIS SEIGNER : Bravo... Et tu comptes sur moi pour te couvrir ?
JEAN GABIN : Sur personne... Pis, tu sais, hein, j'm'en fous, dans six mois, j'décroche...Ch'ais qu'vous avez préparé les allocutions et commandé lesp'tits-fours, alors qu'est-ce qu'y peut m'arriver ? D'être privé d'gâteau?!... Et après ?
FAUT PAS PRENDRE LES ENFANTS DU BON DIEU
POUR DES CANARDS SAUVAGES - MICHEL AUDIARD (1968)
Descriptif champêtre
MARIO DAVID : Jacky, c'est moi.
MARLENE JOBERT : Avant d'être opérée, Jacky s'appelait Rosemonde.
MARIO DAVID : Mais attention, déjà dangereuse... Cheftaine de bandeet tout... Genre égérie, si vous voyez c'que j'veux dire...
Suite du descriptif
ANDRE POUSSE : Pour moi, la Rosemonde et sa bande de gouines, c'est rien qu'des grossesprétentieuses... Des insolentes... J'dirais même des personnes malsaines...
Au beau milieu d'un champs
ANDRE POUSSE : Un pigeon, c'est plus con qu'un dauphin, d'accord... mais çavole...
Dans le bocal de Rita
BERNARD BLIER : Debout, face au mur et les paluches en l'air, que j'les vois bien!... On est chargés à la magnum !... Si vous bougez seulement les oreilles,on vous coupe par le milieu, ça fera dix morceaux...
ANDRE POUSSE : T'es pas en train d'me hold-upper, Charles ?!... Dis-moi qu'j'm'hallucine...Que ch'cauchemarde...
BERNARD BLIER : Allez ! Ficelez les paquets et emballez la jonquaille !...
ANDRE POUSSE : C'est pas ta voix, Charles ?!... C'est pas possible... J'ai des bourdonnements...
Vindicatif, dans le sofa
ANDRE POUSSE : Quand ch'pense qu'on devait s'marier à la Saint-Médard,oh-la-la... J'lui aurais donné mon nom... Madame Fred... Reçue partout...First Lady... Que ch'sorte de là et j'la marque au fer rouge... J'l'empalesur un cactus...
Sociologue, au moment de partir
BERNARD BLIER : C'est pas inhumain d'entendre ça ! Mais qu'est-ce que tu veuxque je fasse avec cinq cents briques, hein ! Surtout d'nos jours... Le SMIC est enplein chancelique, la TVA nous suce le sang, la Bourse se fait la malle... J'ai calculé,j'en aurais à peine pour cinq piges... J'aurais cinquante berges... Tu voudraistout d'même pas que j'retourne au charbon à c't âge-là,non ? Tu serais pas vache avec les vieux, des fois ?
Dans la casbah de Charles
BERNARD BLIER : Tiburce !!!... Tu vas m'convoquer toutes les épéespour ce soir, minuit... Tout le Who's Who !... Le Moko, Trois-Doigts, le P'tit Cheval,la Tirelire, l'Espingo, pis Jambe-de-Laine !... Oh-la-la...
(Meeting...)
... Messieurs !... Messieurs, si j'vous ai arraché à vos pokers età vos télés, c'est qu'on est au bord de l'abîme... Lamaladie revient sur les poules... Et si j'étais pas sûr de renverserla vapeur, j'vous dirais d'sauter dans vos autos et de foncer sur les routes commeen quarante !... Le tocsin va sonner dans Montmartre... Y'a l'choléra qu'estd'retour... La peste qui revient sur le monde... Carabosse a quitté ses zoziaux...Bref, Léontine se repointe... (Décomposition de l'audience...) Ben,quoi, c'vieux fourbi, c'est quand même pas du plutonium !... Jusqu'ici on aeu la poisse, c'est tout... Et la poisse, j'en veux plus... (On ressort les gri-gris...)Bon, c'est fini les momeries, non... Bon... J'récapitule dans l'calme... Onla débusque, on la passe à l'acide, on la découpe au laser,on la dissout, et on balance c'qui reste dans l'Lac Daumesnil...
(La troupe quitte la scène après les condoléances d'usage...)
Tiburce !!! Tiburce, mon p'tit, j'viens d'assister à la démission desélites... Dieu merci, je t'ai...
Abandonné, dans son salon
BERNARD BLIER : À l'école, il avait toujours le prix d'exactitude...Et l'prix d'bonne camaraderie... Ah, les institutions, la notoriété,le prestige... Tout est bafoué, tout... Le Roi s'endort, on dessoude le Dauphin...Jolies manières... Mais attention, hein !... J'ai bon caractère, maisj'ai l'glaive vengeur et le bras séculier !... L'aigle va fondre sur la vieillebuse !...
Hargneux
BERNARD BLIER : Elle me prend pour un pélican !... Pour Saint-Vincent-de-Paul,pour l'UNESCO !... La vieille bourrique !... Attends un peu !
Déguisée en Pope Joseph
FRANÇOISE ROSAY : Bolivar !... Bolivar !... Tu m'offrirais de la sterling,du mark, de la couronne, je dirais banco... Même du yen, je dirais banco...Mais le bolivar, c'est jamais qu'du bolivar, Alfred Alfredovitch !... C'est-à-dire“ petite monnaie nègre ”...
ANDRE POUSSE : “ Petite monnaie nègre ” !... Ch'te préviens, Joseph,que ch'uis agacé comme tout !... Ch'pourrais t'foutre des tartes !... Alors,laisse quimper ton sabir et parlons affaires !
FRANÇOISE ROSAY : Comme tu voudras !... Tu m'proposes du papier à culcontre du dollar US !... Et tu voudrais qu'on traite au cours officiel !... Est-ceque tu m'prends pour un enfant d'chœur ?
ANDRE POUSSE : Tu refuserais d'me changer ma monnaie ?
FRANÇOISE ROSAY : Tes biffetons d'carnaval, tu peux aller jouer au Monopolyavec !... Ch'pourrais, à la rigueur, te les prendre en consigne... Et encore!... À la condition d'en connaître la provenance...
ANDRE POUSSE : Rita... Une personne avec qui j'étais...
FRANÇOISE ROSAY : Bonne famille ?
ANDRE POUSSE : Ça dépend comment t'entends ça !... La niècede Léontine...
FRANÇOISE ROSAY : Léontine ?!... Sauve-toi vite, Fred !... Tu m'asrien dit, on s'est jamais vu... Ah ! La monnaie, ch'uis née dedans, mais j'veuxpas y mourir !... Tes sous, enterre-les ! Au plus profond qu'tu peux !...
Dans la foulée, avec le vrai-faux Pope Joseph
LE POPE JOSEPH : Mademoiselle pourrait peut-être ajouter un don à notrefonds de soutien pour le pèlerinage de Nijni-Novgorod.
FRANÇOISE ROSAY : Mon ami, entendons-nous bien... Les affaires sont les affaires,mais j'ai été baptisée et confirmée dans le sein de l'ÉgliseCatholique et Romaine, c'est pas pour me faire caver à soixante-quinze pigesdans vos singeries byzantines !
Pan-pan cul-cul, Rita
FRANÇOISE ROSAY : Tu m'as vue ?... Est-ce que j'ai une tête àm'farcir quinze cent bornes de route, une escalope Monteverdi et le fléchagecomplet du grand collecteur pour me faire raquetter par un petit boudin !
Dans la guitoune de Léontine, pour la noce
BERNARD BLIER : Je veux les sous !
FRANÇOISE ROSAY : Vous vous êtes donné l'mot !
BERNARD BLIER : Je sais tout !... Tu sors de sous la terre !... T'as donnéFred à manger aux rats !... Mais moi, y m'mangeront pas ! Parce que moi, jesors mes griffes, moi ! Miaou ! Siamois ! Pfff ! Pfff ! Crrr ! Crrr ! Crrr !...
FRANÇOISE ROSAY : Mais Charles, je te donnerais cet argent avec le plus grandplaisir, mais nous sommes samedi... et les banques sont fermées...
BERNARD BLIER : Mais chaque fois qu't'es rentrée dans une banque, elle étaitfermée !... La Chase Bank de Dallas ! Et la BNP d'Levallois ! Ça t'ditrien, non ?!
FRANÇOISE ROSAY : Oooh... Tu cancanes, maintenant ? Tu ragotes ?
BERNARD BLIER : Ch'te préviens, c'est un trente-huit !... Je tire, pis t'asp'us d'tête !
LE CRI DU CORMORAN, LE SOIR, AU-DESSUS DES JONQUES- MICHEL AUDIARD (1970)
Au ballon, dans le Commissariat
YVES ROBERT : Très-très curieux !
ROMAIN BOUTEILLE : Sa tête ?
YVES ROBERT : Sa chemise !... Dirait-on pas la Grande Palmeraie d'Tizi-Ouzou ?
MICHEL SERRAULT : Mais c'est la Grande Palmeraie de Tizi-Ouzou !
YVES ROBERT : Embarquez-moi ça au Quai des Orfèvres !... Son consulou son sorcier viendra l'chercher !... Pas d'histoire avec l'Afrique !... Remember!...
BERNARD BLIER : Quoi ?
YVES ROBERT : Ben, le Coup d'l'Éventail... Abd el-Kader !
Dans la canfouine de son amazone
MICHEL SERRAULT : J'devais faire fortune en six mois, j'aurais mis une semaine, voilàtout... Tu trouves ça naturel ?... Sans vouloir diminuer tes mérites,je m'interroge parfois... Je m'interroge... Sauras-tu tenir le rang de femme comblée?... Sauras-tu porter des bijoux ?... Sauras-tu recevoir ?...
À l'Hippodrome
GERARD DEPARDIEU : Ha-ha ! Le Sept, éh !
STEPHANE BOUY : Ha !... Ha, ce paumé, il a joué Mandibule, éh!
GERARD DEPARDIEU : Faut vraiment être la Reine des bites, hein ?!
STEPHANE BOUY : Ben, oui ! C'est un saucisson, Mandibule !... Un fer à repasser!
MICHEL SERRAULT : Rendez-moi ça ! Rendez !
GERARD DEPARDIEU : Qu'est-ce qui nous obligerait ?
MARION GAME : Moi !... J'ai tout c'qui faut dans mon p'tit sac !...
MICHEL SERRAULT : Merci.
MARION GAME : Y'a des tas d'choses où il est pas fortiche, Alfred, mais lescanassons, ça, c'est son truc...
MICHEL SERRAULT : La planche à billets est en marche... Faites tomber !
GERARD DEPARDIEU : Éh ! È' rame déjà à trois longueurs,votre patte-folle, là !
MICHEL SERRAULT : Patte-folle ? Pauvre con !
STEPHANE BOUY : On dirait qu'è' cherche l'écurie !
MICHEL SERRAULT : L'écurie ? Pauvre con !... Attends l'arrivée !
MARION GAME : Vas-y, Mandibule !... Oh, dis donc, t'as pas l'impression que...
MICHEL SERRAULT : Hum !... Elle se réserve...
GERARD DEPARDIEU : Une toque blanche qui s'fait la paire, une !
MARION GAME : Qui c'est, la toque blanche ?
UN TURFISTE : Mona Girl, c'est l'affaire du jour, tout l'monde était dessus!
MARION GAME : Alfred !!!... Tu seras toujours un paumé !...
Sur le toit d'un immeuble
MICHEL SERRAULT : Merde !... Pardon, mesdames.
BERNARD BLIER : T'as pas honte, Alfred, de rouler les bobs avec les mômes ?
MICHEL SERRAULT : J'voulais pas jouer à ça, moi, j'voulais jouer àla marelle !
1ERE CHIPIE : Tu dis ça parce que t'as paumé !
BERNARD BLIER : Toi, l'Engelure, passe-moi l'veston !... Non, pas çui-là! Çui-là !
2EME CHIPIE : Çui-là, il est à moi !
1ERE CHIPIE : Elle l'a gagné !
BERNARD BLIER : C'que vous allez gagner, toutes les deux, c'est une paire de tartes!... Ch'compte jusqu'à trois, pis après, j'avoine !... Un !... Deux!...
MICHEL SERRAULT : Donne-lui ! Je l'connais, y bat...
2EME CHIPIE : C'est d'l'arnaque pure et simple !
BERNARD BLIER : Allez, passe devant, mec, faut y aller...
MICHEL SERRAULT : Où ça, encore ?
BERNARD BLIER : Ben, à Istanbul, c't'idée !
Autour du cercueil
BERNARD BLIER : Dites donc, euh... Voudriez-vous dire à ce hotu de n'pas servirdes réflexions comme ça ?
Cheminant sur le terrain vague
PAUL MEURISSE : Allons, allons, Freddy... Le récif de corail, la maison d'Gauguin,les p'tites fleurs, le chant du Ukulélé, le soir, sous les manguiers...Hum !
BERNARD BLIER : Ha !... Ah, ben, puisque vous en êtes à l'audiovisuel,alors permettez !... Le Bosphore, hein !... Éh ben, l'Bosphore, c'est pasd'la merde non plus !... Tiens ! Matez les couleurs !... La Corne d'Or, la Mer Noire,la Mosquée Bleue... Et les minarets ? Mordez les minarets ! Vous avez jamaisentendu, ch'uis sûr, l'appel du muezzin !... Waaalllaaa-waaalllaaa-waaalllaa!... La fascination d'l'Orient, quoi !
PAUL MEURISSE : J'ai connu... Devant la Mosquée de Soliman le Magnifique...Je portais un taupé lilas... Elle s'appelait Gertrude... Elle avait dans leshanches, ce balancement gracieux qu'ont les femmes qui ont beaucoup marché...On a failli se fixer, là-bas, acheter du terrain... On pensait mêmeà une maison... Et puis, les intermittences du cœur... Finalement, la maison,c'est elle qui l'a ouverte à Caracas...
BERNARD BLIER : Ah, oui ! “ La Mano en la Mano ” !
PAUL MEURISSE : Vous avez connu ?
BERNARD BLIER : Œuf corse !
PAUL MEURISSE : Le terrain, c'est moi qui l'ai acheté sur la Plata del Sol,trois cents francs l'mètre... Aujourd'hui, avec le goût des congéspayés pour le flamenco et la paella, ça pèse un milliard !
BERNARD BLIER : Et encore...
PAUL MEURISSE : Et encore ?
BERNARD BLIER : Avec des bungalows dessus, hé...
PAUL MEURISSE : Oh, ben, évidemment, l'immobilier... La finalité marloupine...Vous voyez grand !
BERNARD BLIER : J'vois moderne... J'ai pas cru aux terrains au lendemain d'la guerre,alors ça m'ronge...
PAUL MEURISSE : Est-il trop tard ?...
BERNARD BLIER : ... Car elles démarrent, Monsieur, les affaires, je l'sens!
PAUL MEURISSE : Voilà.
BERNARD BLIER : Vous fournissez l'bord de mer, je fournis l'béton ! On promoteà tout va, dans l'goût du jour ! Moitié hacienda, moitiéclapier !
PAUL MEURISSE : On fourgue avant qu'ça s'lézarde !
BERNARD BLIER : Et on fait la culbute !
PAUL MEURISSE : On repromote en Sardaigne !
BERNARD BLIER : Belote et rebelote !
PAUL MEURISSE : Et on attaque l'Afrique ! Car c'est ça, l'avenir, Monsieur,l'Afrique !
BERNARD BLIER : Vingt mille kilomètres de plage !
PAUL MEURISSE : Pour les pousseurs de filets à crevettes, quelle promenade! Y avez-vous songé ?
BERNARD BLIER : Oh-la-la !
PAUL MEURISSE : Nous serons les pionniers des grandes transhumances ! Tous les prolosen charter le vendredi soir, retour le lundi matin, Quai d'Javel ou au Creusot...avec des sourires de pêcheurs de requins...
BERNARD BLIER : Ou de pêcheurs de perles...
PAUL MEURISSE : Sans vouloir vous contrarier, la perle se pêche plutôtaux Îles de la Sonde...
BERNARD BLIER : Mais nous iront !
PAUL MEURISSE : Vous avez raison, nous irons partout ! À Zanzibar !
BERNARD BLIER : Aux Galápagos !
PAUL MEURISSE : Dans la Baie d'Along ! Aaah, le cri du cormoran, le soir, sur lesjonques... Crôa-crôa-crôa...
BERNARD BLIER : Sans vouloir vous contrarier, ça, c'est plutôt le cridu Perroquet Bleu du Mato Grosso... Le cri du cormoran, c'est... Creuaaa-creuaaa-creuaaa-creuaaa!
PAUL MEURISSE : Refaites-moi ça, s'il vous plaît.
BERNARD BLIER : Oh, très volontiers... Creuaaa-creuaaa-creuaaa-creuaaa !
PAUL MEURISSE : En effet, oui...
BERNARD BLIER : Le SMIC sur la trace des Conquistadores... Y'a des dizaines de milliardsà gagner...
PAUL MEURISSE : Des centaines !... Vous disiez ?
BERNARD BLIER : Alors, je disais... Oh, je n'sais plus...
PAUL MEURISSE : Le vertige des grands bâtisseurs !... Il faudra que la rivegauche reste un peu snob... Je parle, bien entendu, de la rive gauche du Mékong...
BERNARD BLIER : Ah, parce que vous avez déjà refourgué l'Afrique?!
PAUL MEURISSE : Vous n'aviez pas compris que l'Afrique, c'n'était qu'un tremplin!
BERNARD BLIER : Excusez-moi !
PAUL MEURISSE : Pour un bol de riz par jour, la main d'œuvre asiate nous grimperades trois-pièces-cuisine avec vue sur l'Éverest... Et nous investironsles bénéfices sur la rive droite !
BERNARD BLIER : Du Fleuve Jaune !?!
PAUL MEURISSE : Non, de la Seine... Nous finirons Avenue Matignon, comme tant d'autres...
ELLE CAUSE PLUS, ELLE FLINGUE - MICHEL AUDIARD (1972)
À la morgue
DANIEL PREVOST : Votre charme a joué à plein, Chef...
DARRY COWL : Oui, je crois, oui... C'était pas dans la poche au départ,j'ai été obligé de forcer... un peu... mais à la fin,la pauvre chérie... une véritable boucherie... Malheureusement, vafalloir changer d'monde ! Maintenant, on va chez les horribles... les cœlacanthes,les méduses, les bestiaux des grandes profondeurs !...
Au Tennis-club
ANNIE GIRARDOT : Dites donc. C'est pas qu'je sois friante de nouveauté, mais...si vous allez sous les cocotiers... on va vous remplacer...
DARRY COWL : Oh-la-la ! C'est... c'est prévu...
ANNIE GIRARDOT : On peut savoir qui ?
DARRY COWL : Un épouvantable !... Une bête !... Dans sa brigade, onl'appelle “ Le Terroriste ”... Champion d'la baignoire et d'la lampe à souder...'Fin, moi... j'avais des manières...
Le pavillon sans dessus-dessous de la Princesse
BERNARD BLIER : Sondez les murs, le parquet et l'plafond !!!... Y'a sûrementdes morts et des lingots partout !!!...
ANDRE POUSSE : Hooo... la-la-la-la-la-la-la-la...
(La fouille se poursuit ardemment, émaillée de coups de pétards...Rosemonde pénètre...)
BERNARD BLIER : Commissaire Bistingo, d'la Brigade Criminelle...
ANNIE GIRARDOT : Ch'pensais qu'vous étiez d'la Mondaine, excusez-moi...
ANDRE POUSSE : (Face contre terre, les mains sur la nuque...) Hum, l'excite pas !...
BERNARD BLIER : Sortez, vous autres !!!... Sortez, les p'tites natures !... J'vaisprocéder à l'interrogatoire et j'réponds pas d'moi... Ch'peuxtirer en rafales et qu'ça ricoche... Heu-heu... Ben, qu'est-ce qui y'a !?!!
ANNIE GIRARDOT : Éh ben, dis donc. Tu t'es pas arrangé...
ANDRE POUSSE : Oh, non !
BERNARD BLIER : On t'a dit d'bouger !?!!... Les mains sur la tête quand ch'teparle !!!... Et toi, t'avise pas d'ouvrir ton sac, hein ?! Parce que j'ai des dessouvenirs... Ça m'a coûté cinq mois d'hosto...
ANNIE GIRARDOT : Mais tu sais très bien qu'la balle est partie toute seule!... Un révolver que ch'connaissais pas !...
BERNARD BLIER : Depuis l'épieu mérovingien jusqu'aux roquettes àtête fouineuse, y'a pas une arme que tu connaisses pas !
ANDRE POUSSE : Ch'peux m'relever ?
BERNARD BLIER : Non !!! La dernière fois qu'ch't'ai fait une fleur, j'me suisretrouvé dans un sac en plastique !...Vous n'êtes pas des gens d'confiance...
ANNIE GIRARDOT : Si on peut dire ça...
(Coup de flingue au plafond...)
BERNARD BLIER : Coup d'semonce... J'entre en piste... Tu réponds àmes questions, tout va bien, t'y réponds pas, ch't'attache au radiateur, euch'tefile un projecteur dans la tronche...
ANNIE GIRARDOT : Toi qui n'aimais qu'les feux d'bois... Les éclairages tamisés...
BERNARD BLIER : Y'a eu un cave passé à la moulinette... L'enquêtea d'abord été confiée à un con, maintenant, c'est moiqui drive... Pardon, ça change tout... Et hop, c'est parti... Comment tu t'appellespar les temps qui courent ?
Debrief chez la Princesse
ANNIE GIRARDOT : Qui était-ce ?
ANDRE POUSSE : Monsieur l'Chanoine... Y'a l'Cardinal qui veut t'voir... Et fissa...Après les singeries d'hier, le Chanoine a du cafter... On pourrait bien avoirun rendu...
Traversant le “ domaine ”
ANNIE GIRARDOT : Un d'ces jours, j'vais ressortir la chevrotine... et on va ramasserles connards dans l'mâchefer...
ANDRE POUSSE : T'énerve pas, ma grande !
ANNIE GIRARDOT : Oh, ch'peux flinguer sans m'énerver !
ANDRE POUSSE : Si on s'est servi d'la Machine, c'est pour rester sélectif...Dans la fournée qu'les gars nous ont ramené, y'avait des lascars qu'allaientvraiment pas... Alors, on t'a mis d'côté ceux qui vont !
Irruption violente dans le Palais de la Princesse
BERNARD BLIER : Les mains en l'air !!!... T'as vu ta porte !?!!... C't'un début,ch'casserai tout...
ANNIE GIRARDOT : En attendant, tu salopes mon parquet... Patins...
BERNARD BLIER : J'ai dit les mains en l'air !!!
(Rosemonde désarme Camille d'une bastos...)
ANNIE GIRARDOT : J'ai dit “ patins ” !!!
DANIEL PREVOST : Vous avez tiré, Chef ?
BERNARD BLIER : J'vous ai appelé, vous ?... Non !? Alors !!!... (ÀRosemonde...) C'que tu peux être pétardière !... On peut p'usrien t'dire... Tu t'rends pas compte que t'aurais pu m'blesser ?... On tire pas surles gens comm' ça...
ANNIE GIRARDOT : J'veux bien qu'on cause, j'aime pas qu'on casse...
BERNARD BLIER : (En reluquant une icône...) Tu fais dans l'Saint-Sulpice, maintenant?... Ben, pisque t'aimes les portraits, tu vas être contente... Ch't'en aiamené...
Conversation apéritive chez Rosemonde
BERNARD BLIER : Ça doit pas être toc ?
ANDRE POUSSE : C'est amusant.
ANNIE GIRARDOT : Ouais... Éh ben, moi, j'ai pas envie d'm'amuser... Je suisnouée par tes horreurs !... À chaque fois qu'y s'pointe, c'est l'RoiLyre... Hécatombe en tout genre... Ah, pour une jeune femme, c'est d'un gai!... Nous mangerons froid...
ANDRE POUSSE : Bien, Mademoiselle.
BERNARD BLIER : T'as dit nous !... Qui ça, nous ?... Ton espiègle ettoi, vous espérez quand même pas m'refaire le coup d'Barbizon, hein!?
ANNIE GIRARDOT : Oh, c'que tu peux être raclette !
BERNARD BLIER : Ah, excuse-moi, mais c'est des repas dont on s'souvient !... Hein?... Déjeuner en tête-à-tête et j'me suis retrouvéà Cochin... aux urgences... trois lavages d'estomac... Qu'est-ce qu'on a retrouvédans mes viscères ? De l'acide prussique ! Un beurre !
ANNIE GIRARDOT : Tu fabules, tu romances.
BERNARD BLIER : J'me suis jamais fait baiser deux fois de suite.
ANNIE GIRARDOT : Éh ben, tu sais pas ce que tu perds !...
Aparté à Rosemonde
BERNARD BLIER : J'ai p't-êt' pas votre expérience sur l'oreiller, Madame,mais question boulot, ch'crains personne ! Y'en a pas deux comme moi à laBrigade ! Même au F.B.I., si j'me dérange, y font pas l'poids !...
Digestif musical dans le récamier de Madame
BERNARD BLIER : Ch'savais pas qu'tu jouais d'la harpe !?...
ANNIE GIRARDOT : C'était à un ami.
BERNARD BLIER : Pourquoi tu dis “ c'était ” ? Tu l'as buté ?
ANNIE GIRARDOT : Ah, mais c'est une obsession !... Non, mais vois-tu... certainssoirs... avec ton prédécesseur... nous Mozardions... nous Ravelisions...
BERNARD BLIER : Ha-haaa-ha !!!... Ha, ch'te vois d'ici le... le séduire auxarpèges, hein ?!... Le liquéfier aux double croches... Le mystifieraux bémols... Ça m'étonne pas d'ce p'tit con...
Réveil délicat après fiesta
ANNIE GIRARDOT : Hooo !!! Qu'est-ce que c'est c'ramdam !?!!
ANDRE POUSSE : C'est Jambe-de-Laine qui remplace la porte.
ANNIE GIRARDOT : Ben, va lui dire qu'y fasse moins d'foin !... Hooo !
ANDRE POUSSE : Faites moins d'foin, Mademoiselle a sa migraine !
Sur le perron du “ Palais ”
BERNARD BLIER : Hop !!!... Arrimage et camouflage !...
ANDRE POUSSE : Qu'est-ce qu'on fait ?
ANNIE GIRARDOT : Va m'chercher un fusil...
JEAN CARMET : Dessouder un lardu en plein jour... ça va jaser dans les gazettes...
ANNIE GIRARDOT : Ben, la liberté d'la Presse, c'est une belle connerie !...
Traquenard dans le nid d'amour
DOMINIQUE ZARDI : Laisse donc ça tranquille... J'm'appelle Riton... Riton-la-Teigne...
ANNIE GIRARDOT : Maaax !!!
ANDRE POUSSE : Max. Quoi, Max ?
JEAN CARMET : On est tombé sur des sournois...
DOMINIQUE ZARDI : Faut qu'ch't'emmène, on t'attend... Le loufiat et l'pilon,on les attend pas...
Dans l'antre des vilains
ANNIE GIRARDOT : Vous, vous z'êtes un p'tit mal élevé ! Voilàc'que vous êtes !...
DOMINIQUE ZARDI : T'avances ou tu cherches un coup d'latte dans l'fion !?!!...
ANNIE GIRARDOT : Ooooh... On s'croirait vraiment à la Cour d'Espagne... Lemitan part en brioche... Autrefois, quand on conviait une dame...
1ER CAÏD : T'es pas une dame !
2EME CAÏD : T'es un fléau !
3EME CAÏD : Une malédiction !
4EME CAÏD : Si on a décidé de te faire comparaître, Clara...
ANNIE GIRARDOT : Pas Clara... Rosemonde...
1ER CAÏD : Dis donc, elle va nous charrier longtemps, comme ça !?
2EME CAÏD : Elle se conduit comme une gonzesse !
ANNIE GIRARDOT : Ah, ben, quand même !
4EME CAÏD : La Fantasia de l'autre nuit a mis la poulaille en transe... Descentesdans les Cercles, rafles dans les taules... L'Enfer... Même Fernand, qui depuisMarthe Richard n'avait pas fermé un seul jour, s'est fait lourdé sansexplication... C'est dire le climat...
3EME CAÏD : Des vrais fous !
2EME CAÏD : Va surtout pas croire qu'on oublie le passé. Tout ce qu'onte doit...
ANNIE GIRARDOT : Avec des mythos, va donc savoir !...
4EME CAÏD : Des ingrats t'auraient déjà butée, reconnais!... Et bien, nous, on te donne une chance... Tu fermes ton camp de la mort et tuvoyages... Alors, où tu veux !... Aux Galapagos, aux Aléoutiennes...Où tu veux !... Sauf aux US, où on se souvient trop de toi !...
Monologuant en peaufinant son feu d'artifice, seule dans sa carrée
ANNIE GIRARDOT : Les Galapagos... Les Aléoutiennes... J'vais leur en foutre,moi, des voyages !... Attendez un peu... Attaquer une pauvre femme qu'est toute seuledans la vie... Quelle bande de fumiers !... Moi, avec les prétentieux, ch'connaisqu'une tactique... Souffler dessus... Mais alors, souffler fort... Comme ça,quand les comiques le recevront sur la tronche... y n'auront plus qu'à allerse faire lifter...
Devant le poulailler qui renferment les méchants
1ER CAÏD : On n'pensait pas qu't'avais tourné acariâtre !
2EME CAÏD : Vous êtes drôlement répressive !
ANNIE GIRARDOT : Parle à mon colt... ma tête est malade !...
Dans la caisse, de retour dans la zone
BERNARD BLIER : Les Apaches regagnent leur réserve, ils n'en sortiront plus!... Gaston, tu notes. J'veux mille mètres de fil de fer barbelé pourdemain matin... Allez, envoyez la féérie !...
ANNIE GIRARDOT : (Braquée par les projos de Camille...) Oooh !...
ANDRE POUSSE : Il a l'droit d'faire ça ?!
ANNIE GIRARDOT : Hé !... C'qui fausse les rapports entre la Police et la bonnesociété, mon bon Max, c'est qu'y'en a qu'ont tous les droits... etles autres aucun !
En planque sur leur perchoir
BERNARD BLIER : Rien à signaler !?!!...
DANIEL PREVOST : Rien de rien... Il a retrouvé sa moto, sa chaussette, ila bécoté tout son p'tit monde, et puis il est allé porter l'jusà la Princesse...
BERNARD BLIER : Le mauvais café ! Le bouillon d'onze heures ! La Brinvilliersdu Val de Marne !... Descendez l'Docteur !!!...
Filature en déguisement autour des lieux de culte
DANIEL PREVOST : Elle va pas nous emmener à Lisieux et à Lourdes, cetteconne !
BERNARD BLIER : Le rodéo bigotteux, l'tour des paroisses, c'est clair !...Elle flingue plus, elle épouse !... À la maison !!!... (Retour àla cambuse...) Emballer la Rosemonde sous mes téléobjectifs... il estgonflé, l'Minet !!!... Vingt ans que ch'uis sur l'affaire et j'me fais carbonisédans la dernière ligne droite ?!... Opposition, votre Honneur... Camille passeà l'attaque... La riposte imparable... La botte de Nevers...
Déclaration brûlante de Camille à Rosemonde dans sa tanière
BERNARD BLIER : Clara !!!... Rosemonde !!!...
ANNIE GIRARDOT : Patins !...
BERNARD BLIER : Je viens t'empêcher d'faire une connerie... Je gagne quatremille francs par mois... J'ai un livret d'Caisse d'Épargne, une carte bleue,cinquante pour cent d'réduction sur les Chemins d'Fer, bref... c'qu'on appelleun parti... Pas d'attendrissement, pas d'larme... du sourire... et tu dis “ oui ”...
ANNIE GIRARDOT : Euj'dis “ oui ” à quoi ?
BERNARD BLIER : Clara Trompette... alias Rosemonde du Bois d'la Faisanderie... aliasBrigitte Vissembert... alias Paloma Rodriguez... accepte-tu de prendre pour époux...Camille Bistingo ?
ANNIE GIRARDOT : Non.
BERNARD BLIER : Stooop !!!... Tout compris ! Pas besoin d'dessin !... Madame a prisl'coup d'soleil pour le dégénéré !... Pan !... On remballe!!!... C'est plus l'amour, c'est la guerre !!!... Ça tombe bien, j'ai toutc'qui faut !... Les CRS, les hélicos, les gaz, les bombes à billes! Ça va être sympa !!!...
COMMENT REUSSIR QUAND ON EST CON ET PLEURNICHARD
- MICHEL AUDIARD (1974)
Au bistrot
JEAN CARMET : Présence mystérieuse, le volcan, jadis maléfique,a été domestiqué pour devenir l'ami d'l'homme... Le bienfaiteurde l'organisme... En dehors de ses fabuleuses propriétés, telles queréchauffer en hiver, rafraîchir en été, stimuler les lymphatiqueset calmer les névropathes, c'est une explosion d'art et de rêve quele Roi des Vermouths offre à la méditation des poètes !... Le“ Vulcani ” ne fait pas d'réclame... Arrière, la bête hideuse!... Il fait entrer l'génie d'l'Humanité dans l'foyer du consommateur...Je m'explique. Pour tout achat d'une douzaine de bouteilles de... du précieuxnectar, “ Vulcani ” vous offre non seulement la Pléiade des cendriers coulésdans la lave des Îles Éoliennes, mais encore... ça !... L'aristocratiede Westminster... La robustesse de Besançon... La finition suisse... Le chicparisien...
ROBERT DALBAN : Dis donc, Antoine... T'as pas honte de vendre du poison ?
JEAN CARMET : Ah, mais c'est... pas vraiment du poison... Ch'te l'concède,ça ressemble.... C'est... c'est trompeur, mais... c'en est pas vraiment...
ROBERT DALBAN : Ah, y'a quand même des gens à qui on a passéla camisole !
JEAN CARMET : Y'en a qu'ont gonflé... Les mains... Què'qu'fois lespieds... Mais la tête, jamais !
Dans le dancing miteux
DANIEL PREVOST : De quoi tu t'plains ?! T'es jamais content !... Tu travailles dansune taule qui marche et t'as des intérêts dans l'affaire !... Alors!
JEAN ROCHEFORT : Se promener dans la salle avec une sébile à la main,vous appelez ça des intérêts dans l'affaire ?!... J'veux pasfaire la manche... Ch'uis un artiste...
DANIEL PREVOST : Euh !... Des artistes comme toi, ch'fous un coup d'pompe dans l'piano,il en dégringole une douzaine !
JANE BIRKIN : Confidence pour confidence, des connards comme vous, ch'fous un coupd'pompe dans la télé, il en dégringole cinquante !
DANIEL PREVOST : De quoi tu t'mêles, toi ? Ch't'ai rien demandé !
JANE BIRKIN : Foinard et moi, c'est pareil... Vous le virez, je me trisse... J'iraimontrer mon cul ailleurs...
DANIEL PREVOST : Oui, mais p't-êt' pas à Foinard !... Pour c'que çal'intéresse...
JEAN ROCHEFORT : Oui, bon, euh, bon, ben, ça va, hein... Monsieur s'est emporté,ch'uis sûr qu'y regrette déjà...
DANIEL PREVOST : M'enfin, écoute... Douée comme t'es !... Quand ch'penseque tu gâches ta carrière avec un minable pareil !... S'tu voulais m'écouter...
JANE BIRKIN : Ch'pourrais changer d'minable !... Prendre un prétentieux...Foinard est toc, mais il le sait... Je les aime comme ça... Pas, mon coco?
DANIEL PREVOST : Ben, alors-là, excuse-moi ! Mais, dans la connerie, c'estpas pour m'vanter... entre Foinard et moi !... Ha-ha !
JANE BIRKIN : Y'a des aristocrates et des parvenus, dans la connerie comme dans lereste...
À l'hosto
ÉVELYNE BUYLE : Y faut bien qu'y rentre chez lui d'temps en temps pour s'occuperd'la Méduse !
JEAN CARMET : Il élève une méduse ?
ÉVELYNE BUYLE : Une pieuvre... Un monstre... Sa femme... Elle est horrible...Faut vraiment avoir pitié d'elle...
JEAN CARMET : Et y s'est marié contre son gré... Y font chambre àpart depuis dix ans...
ÉVELYNE BUYLE : Ben, ça alors ! C'est d'la voyance !
JEAN CARMET : Pourquoi y divorcent pas ?
ÉVELYNE BUYLE : Ben, faut bien qu'y mange, le pauvre amour !... L'hôtelest à sa femme, la maison est à sa femme, tout est à sa femme!... Elle nous tient, la garce... Et en plus, dis donc, Madame est jalouse !... Oh! Non mais, tu t'rends compte ?... Ça porte une musette en guise de soutien-gorge,ça a des yeux d'langouste et ça s'permet d'être jalouse !...Hum... Hum... Oh, éh ! Elle s'imagine que Gégé la trompe !...(Gégé bondit dans la chambre...) Oooh... Gégé !
JEAN-PIERRE MARIELLE : Mais pourquoi as-tu fait ça, p'tite folle !... Quandj'ai appris qu'tu n'avais pas repris ton service, j'ai couru chez toi !... Plus d'immeuble!... La concierge est en observation, elle croit qu'elle a trois ans, qu'on est enmille neuf cent seize et qu'la Grosse Bertha vient d'bombarder Paris !
En sortant de la carrée
JEAN-PIERRE MARIELLE : Ah, quelle emmerdeuse !
JEAN CARMET : Madame votre femme ?
JEAN-PIERRE MARIELLE : Mais non ! Elle !... C'est le troisième fois qu'ellese suicide !... La première fois, la Seine, la deuxième fois, l'électrocutionet pis c'coup-ci, baoum !
JEAN CARMET : L'eau, le gaz et l'électricité !...
Sur leurs lits d'hôpital
JEAN-PIERRE MARIELLE : Avez-vous déjà aplati une pompe à essence,emplafonné un garagiste... et défoncé vingt-huit voitures d'uncoup ?... Hein ?
JEAN CARMET : Éh ben, puisqu'on en est aux exemples amusants, tenez... Voussonnez à une porte... Qu'est-ce qu'y s'passe ?
JEAN-PIERRE MARIELLE : On vous ouvre ?
JEAN CARMET : Non... Ça, c'était hier... Aujourd'hui, vous dégringoleztout droit dans une ambulance... Ah...
JEAN-PIERRE MARIELLE : Nous entrons dans le temps de la fureur et du tumulte... Dansles prédictions de Nostradamus...
Dans le pageot
JANE BIRKIN : J'étais sûre que t'étais formidable... Ch'uis pasdéçue... Tu m'as loupée comme un chef... T'as pas arrêtéd'dire des conneries... T'as failli mettre le feu au paddock avec ta cigarette...Tu portes un maillot d'corps... Tu gardes tes chaussettes...
GINETTE GARCIN : Antoine !
JEAN CARMET : Oui, Maman !... Qu'est-ce qu'y'a ?
GINETTE GARCIN : Quand t'auras fini d'tringler, tu viendras ranger ta voiture qu'estdans l'passage !
JEAN CARMET : J'arrive tout d'suite, Maman !
JANE BIRKIN : Y'a même ta maman ?... Y'a tout... T'es une synthèse...Tu les bats tous !... Tous !... Même Foinard !...
JEAN CARMET : On m'a dit qu'y baisait jamais, Foinard.
JANE BIRKIN : Jamais !
JEAN CARMET : Ben, alors, comment veux-tu qu'je l'batte !... Un mec qui baise jamais,c'est imbattable !
JANE BIRKIN : J'vais t'dire, on s'en fatigue !... Un minable qui vit sur sa réputation,ben, c'est comme un champion qui ne mettrait jamais son titre en jeu... Avec toi,on nage dans l'imprévu... Un jour, ben... t'es capable de réussir untruc... Tu remets tout en question à chaque fois...
JEAN CARMET : C'est vrai, ça... Ch'prends des risques...
En aparté à Antoine Robineau
JEAN-PIERRE MARIELLE : Chaque fois que nous faisons l'amour, c'est-à-direpratiquement vingt-quatre heures sur vingt-quatre, elle m'oblige à lui raconterma vie, ma guerre, ma réussite... Mes succès féminins... Oh,si j'vous disais qu'hier, alors que j'venais d'assouvir ses sens, elle, inerte, surle lit dévasté... Moi, lui racontant comment j'avais satisfait auxexigences de huit femmes dans un boxon de Mostaganem, elle m'a regardé droitdans les yeux et elle m'a dit... que j'étais une synthèse...
Sur le pas de la porte
JEAN CARMET : Seulement d'ici-là, j'aimerais bien qu'tu fréquentespas trop “ La Vaillance ”...
GINETTE GARCIN : Tu vas pas m'défendre de voir Madame Bérange !
JEAN CARMET : Ch'te défends rien, Maman... Mais elle habite dans la verdure,la dame... Et j'voudrais pas que l'grand air t'énerve, comme la dernièrefois... Tu t'souviens, Nogent ?... Tiens, puisqu'on en parle... Mon déjeunerd'fiançailles... L'orchestre jouait “ Les lilas blancs ”... Éloïsedécoupait l'Paris-Brest... Quand t'as sauté sur la table en relevanttes jupes !... Puis qu'Papa a plongé dans la Marne !...
GINETTE GARCIN : Ben, on avait vu passer un troupeau d'rats ! Alors...
JEAN CARMET : Pis t'aurais pu t'dispenser de chanter “ Bien l'bonjour, Madame Bertrand” !... Devant une jeune fille, c'est pas un répertoire !... Et Papa, qu'laFluviale a ramené au bout d'une gaffe !... Les riverains en parlent encore,d'la journée Robineau !... Ah, tu peux rire, oui !
Illumination en canfouine
JEAN CARMET : Le casse-pattes, on l'vend plus, on l'donne !
JEAN-PIERRE MARIELLE : Ah, ça... y serait temps !... Quand un bistrot voitles étiquettes, on dirait qu'il aperçoit Belphégor !
JEAN CARMET : C'est pourquoi l'époque est au recyclage !... Pour tout achatd'un carillon, le Maître-Horloger Robineau vous offre une caisse de “ Vulcani”, le Vermouth des Intrépides !
POISSON D'AVRIL - GILLES GRANGIER (1954)
Denise Grey - Pierre Dux :
- Une fiancée avec un enfant de sept ans ?!...
- La guerre !
- Tu m'avais dit qu'elle “ résistait ”.
- La résistance a des limites. On ne peut pas être de jour et de nuit.
GAS-OIL - GILLES GRANGIER (1955)
Aux toilettes
UNE SERVEUSE : Bonjour, M'sieur Chappe.
JEAN GABIN : Tiens, dis donc, Lucienne, dis donc à ta patronne de m'préparerun sandwich.
UNE SERVEUSE : Toujours bon appétit, hein, M'sieur Jean !... Il est vrai qu'laroute, ça creuse, c'est comme l'amour... Si j'vous disais qu'à moi,ça m'donne de vrais fringales, l'amour... Y'en a, sitôt fini, c'estune cigarette, moi, faut qu'je mange...
JEAN GABIN : Ça t'pousse à combien d'repas par jour, c'te p'tite réaction-là?
UNE SERVEUSE : Ah, ben, z'êtes un peu curieux !
JEAN GABIN : Ben...
COURTE-TETE- NORBERT CARBONNAUX (1956)
Max Revol :
- Mon vieux lapin, ça y est. Votre nomination est sur la table du Ministre...Et un peu appuyée par les amis de l'État-Major ! Avant huit jours,vous passez Général. J'y tiens... La charnière de Sedan vousa claqué dans les mains, vous avez reculé sur la Somme, vous avez reculésur la Loire et vous avez perdu plus que votre part d'Indochine. Si nous devons garderle peu qui nous reste, je ne dis rien, mais si on doit le perdre, je n'admettraispas qu'un autre que vous remplace ce pauvre Manfrin... Manfrin, le père dupliant de campagne et de la selle à dossier... Fauché... On a justeretrouvé ses bottes et sa jugulaire. Un 77 qu'il n'a pas vu venir. Un 77 ouun 52... Enfin, un autobus qu'il ne prenait jamais... Un homme si prudent... En pleinpassage clouté... Le troisième de sa promotion en moins de trente ans...Enfin, on va toujours lui offrir sa petite minute de silence... Il en étaitfriand.
LES YEUX DE L'AMOUR - DENYS DE LA PATELLIERE ( 1959)
Bernard Blier :
- Vieille fille ! Et allez donc ! Pourquoi pas ! Faut dire que tu fais tout ce qu'ilfaut pour t'en donner le genre... Ta robe, ta coiffure... Tu frisottes dans le gris,toi... Tu faufiles dans le triste.
Françoise Rosay - Danielle Darieux :
- Mais enfin qu'est-ce qui se passe ?! Denise oublie mon plateau, toi, mes pastilles...Qu'est-ce que vous avez toutes les deux ce soir !... Oh, pour l'autre, je sais, ellea le feu au cul.
- Je t'en prie maman.
- Quoi ? L'image te gène ?
- L'expression.
- Tu voudrais tout de même pas que je parle du postérieur de ma camériste,non ! Il est vrai que ce serait assez dans ton style ça... Le genre bigotecongelée. Et bien moi, j'appelle un chat un chat, et ma bonne est une sacréegarce !
LE BARON DE L'ECLUSE - JEAN DELANNOY (1959)
Micheline Presle à Jean Gabin :
- Je parlais du retour Toni... Le retour... Avec toi, on prend toujours des allerssimples et des retours compliqués.
LES LIONS SONT LACHES - HENRI VERNEUIL (1961)
Danielle Darrieux :
- Vingt ans de sacrifices ! Lait Nestlé, nurse anglaise, un mois àla neige, un mois dans le Midi... Latin, anglais, cheval... Tout !... Chez les parentsqui ont de la chance, ça donne Karim Aga-Khan ou Farah Diba... Chez nous,ça donne un voleur et une fille-mère !
LES AMOURS CELEBRES (LES COMEDIENNES) - MICHEL BOISROND(1961)
Annie Girardot à Edwige Feuillère :
- Je m'étonne, Madame, qu'après bientôt cent ans de théâtre,vous soyez restée aussi naïve !... Quand on m'applaudit, on applauditune manière de jouer... Chez vous, on applaudit la longévité,le miracle physique, l'aïeule intrépide, le sarcophage qui parle !...
PAR UN BEAU MATIN D'ETE - JACQUES DERAY (1964)
Akim Tamiroff - Georges Géret :
- J'ai besoin d'un type qui sache conduire et qui puisse balancer une pêcheen cas d'urgence.
- J'ai connu un gars au ballon. Il était à la division trois, moi,à la cinq. Avant, il tenait un garage à Nice. Il maquillait un peules charrettes qu'il expédiait ensuite à San Remo.
- La carambouille, c'est une branche à part, comme les faux-talbins. C'estle refuge des lymphatiques.
- Sois pas sectaire. T'as des violents partout.
FLEUR D'OSEILLE - GEORGES LAUTNER (1967)
Mireille Darc :
- Mes parents sont des proxénètes de l'honnêteté... J'aiété bourrée de morale comme d'autres sont gavés de Blédine...Une morale à eux, bien sûr.
- Je n'ai jamais entendu dire, Mademoiselle, qu'il y en eût plusieurs... Ily a, évidemment, la morale des loups et celle des moutons...
- Chez nous, ça moutonnait... À bloc... Le trio Mérinos... Ettoujours avec citations à l'appui, “ Mon verre est petit, mais je bois dansmon verre ”... “ Chi va piano va sano ”... “ Santé passe richesse ”... “ Lavie... ”... Ch'ais plus c'qu'était la vie selon Pépère, maisça devait être bien !... Et puis, j'ai rencontré un homme qui,lui aussi, parlait de la vie. Seulement c'était pas la même. Lui, c'étaitplutôt “ Mon verre est petit, mais je bois dans c'lui des autres ”...
- Je vois.
- Moi aussi. C'est pourquoi je ne prendrai pas la suite de Madame Mère. Jene ferai pas de petits trous à la station “ Arts et métiers ” ! Jeconnais les raccourcis ! J'ai choisi le caviar !
- Malheureusement, le caviar n'est pas une solution.
- La merde non plus !
LA GRANDE SAUTERELLE - GEORGES LAUTNER (1967)
Georges Géret :
- C'que tu peux être con ! T'es même pas con, t'es bête. Tu vasjamais au cinoche, tu lis pas, tu sais rien. Si ça s'trouve, t'as mêmepas d'cerveau. Quand on t'regarde par en-dessus, on doit voir tes dents...
L'INCORRIGIBLE - PHILIPPE DE BROCA (1976)
Jean-Paul Belmondo - Geneviève Bujold :
- Salope ! Chienne ! Endive !
- Je vous demande pardon ?
- Je disais... “ chienne ”... comme ça...
- Ah... J'avais cru comprendre “ endive ”...
LE GUIGNOLO - GEORGES LAUTNER (1979)
Georges Géret - Jean-Paul Belmondo :
- Vous savez de nos jours, un microfilm est une chose pas plus grosse que ça...Ça peut très bien se cacher dans une dent...
- Ah, ben, ça, c'est une idée... Vous pourriez me faire limer les dents!... Vous m'avez déjà fait curer les ongles, inspecter les oreilleset... si je vous avais laissé faire, vous seriez même devenu familier!...
Jean-Paul Belmondo - Georges Géret :
- Vous savez quelle différence il y a entre un con et un voleur ?
- Non.
- Un voleur, de temps en temps, ça se repose...
LES MORFALOUS - HENRI VERNEUIL (1983)
Jacques Villeret - Michel Constantin - Marie Laforêt :
- Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Ben... Il a dû pisser sur la ligne à haute tension... Point final...
- Vous savez, Madame, ça s'est passé tellement vite... Il a pas dûsouffrir du tout... Du tout.
- C'est bien la première fois qu'il fait des étincelles avec sa bite!